Communauté GRECQUE DES Alpes-Maritimes

Les chèvres de Grèce…..

Parmi les 1 000 à 2 000 îles répertoriées en Grèce, seules 200 sont habitées de façon permanente. Pourtant, un animal domestique est partout présent : les chèvres donnent vie au moindre îlot.

Avant l’irruption du tourisme, les sociétés traditionnelles des îles grecques étaient constituées de paysans, pasteurs et pêcheurs. La plus grande partie des terres de la mer Égée est constituée d’une végétation très pauvre faite de broussaille gazonnante épineuse et de rocailles, le « phrygana ». Sans pluie pendant cinq mois, les îles sont battues par les vents. L’hiver est assez humide, permettant à une végétation herbacée de se développer pendant quelques mois. La chèvre s’est donc imposée très tôt comme le seul animal adapté à ces conditions extrêmes.

L’élevage  des chèvres

En Grèce, traditionnellement, l’élevage des moutons et des chèvres a une grande importance. Bien que les autres secteurs de la production animale présentent un développement et une modernisation constants, même accélérés en ce qui concerne le porc et les volailles, l’élevage des petits ruminants représente encore 44% environ du produit national brut fourni par l’ensemble de la production animale (29% les moutons et 15 % les chèvres). Ce fait est favorisé par les facteurs suivants : a) La configuration du sol et le climat, b) La petite taille des exploitations agricoles et leur morcel¬ lement. c) La tradition, tant du point de vue des éleveurs (en général âgés), que des consommateurs, habitués à une viande provenant de carcasses de très jeunes agneaux et chevreaux et à des fromages et yaourts fabriqués avèc du lait de brebis ou de chèvre.

Tableau 1 Nombre d’animaux (x 1 000) selon leur mode d’élevage

Tableau 1 Nombre d’animaux (x 1 000) selon leur mode d’élevage

Depuis toujours l’élevage, non seulement de chèvres mais aussi de moutons, est axé sur la production du lait. Ainsi tous les moutons élevés sont du type laitier; il n’existe même pas de petits troupeaux de brebis à viande ou à laine. En 1990, 6683950 brebis et 3804500 chèvres ont été traites.

L’ensemble de la population ovine, partagée en plusieurs races et souches locales, a une origine génétique peu variée: 80% des animaux proviennent de la race Tsakel et 15% de la race Tsigai. Ces deux races, très répandues dans la péninsule balkanique, ne different pratiquement que par la qualité de leur laine, celle de Tsigai étant plus fine. Il s’agit de moutons de type laitier, à queue longue et étroite. En Grèce, 5% des moutons appartiennent à des races à queue longue et large. Enfin, il y a de plus en plus de troupeaux de brebis produits de croisement de la race Frisonne avec les races du pays.

Les conditions d’élevage ayant une influence prépondérante sur le format et la productivité des animaux, on distingue deux types de moutons :

a) Les moutons de montagne, de petit format (poids vif des béliers 50 kg, des brebis 35 kg), très rustiques (race Boutsiko, Sarakatsaniko, Sfakia etc).

b) Les moutons des plaines, plus développés (p.v. des béliers 80 kg, des brebis 65-70 kg), plus productifs (races Karagouniko, Serres, Chios, etc.). Néanmoins, il faut signaler que les différences génotypiques entre les deux types et entre les races de chaque type ne sont pas très importantes. D’autre part, la majorité des animaux élevés sont des produits de métissages plus ou moins contrôlés.

Environ 70% des chèvres élevées appartiennent à la race locale grecque (Capra prisca) et 25% sont des produits de croisement avec des races importées, spécialement la Saanen, l’ Alpine, la Toggenbourg et la Maltaise. Enfin, certaines nouvelles unités de production disposent d’animaux de pure race Saanen ou Alpine.

Les modes d’élevage

Il y a 25 ans, tant les moutons que les chèvres devaient couvrir leurs besoins nutritifs en pâturant. Jusqu’en 1960, presque 40% des troupeaux pratiquaient la transhumance ; 2 à 4 semaines de marche pour gagner la montagne au printemps et plus en automne pour retourner dans les plaines. Ces troupeaux appartenaient à des familles parentes, bien organisée en clans. Les clans (“tselingata”) ont résisté aux guerres et aux modifications de frontières pendant des siècles, mais ils ont perdu le combat avec le dévelop¬ pement économique. Les réseaux routiers et d’irrigation, la modernisation de l’agriculture et surtout l’évolution de la société ont mis fin à l’exploitation des sources naturelles de végétation par ces grands troupeaux comptant des milliers de têtes. En même temps que la disparition des grands troupeaux transhumants, les éleveurs sédentaires ont réalisé qu’ils avaient tout à gagner en complétant le pâturage avec des céréales et des tourteaux. Mais la raite à la main, dans des conditions plus que difficiles, a éloigné les jeunes de l’élevage des petits ruminants. Ainsi, tant le nombre des animaux que l’importance des élevages ont diminué. Le développement économique a fait disparaître aussi les tout petits élevages de chèvres près des centres urbains. En ce moment, bien que l’élevage des petits ruminants représente 44% du produit brut de la production animale du pays, dans son ensemble c’est le secteur le moins bien organisé et le moins modernisé.

Tableau 2 Nombre et distribution des élevages suivant la grandeur du troupeau

Tableau 2 Nombre et distribution des élevages suivant la grandeur du troupeau

Tous les modes d’élevage sont pratiqués en Grèce. Il existe encore des troupeaux de quelques centaines de têtes pratiquant la transhumance, des troupeaux sédentaires élevés plus ou moins intensivement, et même des unités de production appliquant une technologie tout à fait moderne avec bon profit. Mais le pourcentage des élevages disposant de plus de 100 animaux est très bas (12,8 % de moutons et 3,6% de chèvres). Les autres ne peuvent pas accéder aux techniques de production modernes et ne peuvent pas produire un lait de première qualité ni un nouveau type de carcasse. En outre, le coût de leur production est élevé.

La production
Tableau 3 Production de petits ruminants et sa participation à la production animale nationale

Tableau 3 Production de petits ruminants et sa participation à la production animale nationale

.Les chiffres du tableau 3 montrent que la production laitière des petits ruminants garde une place prépondérante en Grèce. Elle représente 65,55 % de la production nationale de lait (1 661 167 tonnes), contre 34,45% pour le lait de vache. En ce qui concerne le prix de vente de ces laits, le coefficient est 1 pour le lait de vache, 1 , 106 pour celui de chèvre et 1,88 pour celui de brebis.

Environ 90% du lait des petits ruminants est transformé en fromage. Il s’agit essentiellement d’un fromage blanc, qui mûrit en saumure, nommé “fêta”. Le reste de la production sert à la fabrication de yaourts. On fabrique également de petites quantités de beurre, lequel sert à la préparation de certains gâteaux traditionnels. Il ne faut pas oublier que le Grec est un grand consommateur de fromage, plus de 25 kg par habitant et par an. Par contre, il consomme peu de lait frais, à peine 50 kg/an. Ainsi, hormis le lait de petits ruminants, 30% du lait de vache produit dans le pays est transformé en fromage.

Toutes les brebis et les chèvres sont traites, mais ceci après le sevrage de leurs agneaux ou chevreaux. L’allaitement artificiel des nouveau-nés n’est pratiqué que par de rares éleveurs. Ainsi les agneaux sont sevrés à l’âge de 6-8 semaines et les chevreaux à celui de 8-12 semaines. 76% des agneaux et 65% des chevreaux sont abattus le jour même de leur sevrage, fournissant des carcasses du type “agneau ou chevreau de lait” d’un poids moyen de 8 kg. Bien que ces carcasses ne fournissent pas une viande “mûre” et que leur valeur diététique ne soit pas élevée, elles se vendent facilement à un prix assez élevé. En plus, ce type de carcasse englobe la tête et les viscères, sauf le tube digestif. Ainsi le rendement est de 62%. Un petit nombre d’agneaux et de chevreaux sevrés est engraissé en stabulation dans le but de produire des carcasses du type “agneau de 100 jours” ou “chevreau lourd”. Près de 99 % de la viande de petits ruminants consommée en Grèce proviennent de jeunes animaux et le poids moyen des carcasses oscille autour de 12 kg.

Il faut signaler qu’aussi bien les brebis que les chèvres présentent une courte période d’anœstrus qui permettrait d’étaler les naissances, technique qui malheureusement n’est pas appliquée. Ainsi, le plus grand nombre d’agneaux naît vers la fin de l’automne et légèrement plus tard les chevreaux. Les éleveurs assaient d’obtenir la plus longue période de traite. Cette pratique a pour conséquence un approvisionnement irrégulier du marché.

L’indice de prolifîcité à la naissance n’est pas élevé (1,15 pour les brebis, 1,3 pour les chèvres). Les brebis du type de montagnes et la plupart des chèvres indigènes n’ont pas en début de lactation une quantité suffisante de lait pour élever des jumeaux et surtout pour les amener rapidement à un poids suffisant afin d’être abattus. Les jeunes animaux qui tardent à prendre du poids et qui rongent la durée de la période de traite sont indésirables.

Il apparaît que la production de viande de petits ruminants, bien qu’étant un produit recherché par le consommateur, reste un sous-produit de la production du lait. Ainsi, son pourcentage de la production nationale totale de viande (491 771 tonnes) n’est que de 26,52%.

En ce qui concerne la laine et les poils de chèvres, ce sont des produits qui aujourd’hui posent des problèmes. Le prix de vente, quand elle est possible, ne couvre pas les frais de la tonte.

Perspectives

En Grèce, éleveurs et techniciens sont d’accord que la situation actuelle de l’élevage des petits ruminants n’a pas d’avenir et qu’il faut procéder immédiatement à de profonds changements de structure. L’effort qui doit être fourni est grand et les résultats ne seront pas perçus immédiatement. Mais le marché est là, non saturé pour la viande, toujours grand demandeur de produits laitiers à base de lait de brebis et de chèvre. Le degré d’autosuffisance en viande de petits ruminants est de 89,6%. En ce qui concerne le fromage fêta, la quantité produite dans le pays est insuffisante.il y a des importations d’un type de fêta fabriqué avec du lait de vache. En même temps, la Grèce est un exportateur de fêta préparé avec du lait de petits ruminants.

Avant toute autre mesure, il faut créer une nouvelle génération d’éleveurs, capables d’assimiler et de mettre en pratique de nouvelles méthodes d’élevage. En Grèce, il n’y a pas d’écoles techniques professionnelles d’éleveurs de petits ruminants; leur création s’avère imminente.

L’expérience montre que les unités de production de lait, disposant de 300 à 600 brebis ou chèvres laitières, sont en mesure de produire du lait de première qualité du moment qu’elles appliquent la traite mécanique. Ce lait est fort apprécié par les laiteries. Malheureusement il y a très peu d’unités de ce type. Du fait qu’il n’y a pas de quotas pour le lait des petits ruminants, la création de quelques milliers d’unités de ce genre est possible. Mais ces élevages doivent utiliser des prairies artificielles et couvrir au moins leurs besoins en fourrages. Les élevages laitiers doivent abandonner la moyenne et la haute montagne.

En ce qui concerne les animaux, depuis quelques années, des travaux très sérieux sur la sélection et la stabilisation des races locales sont en cours, tandis que les types de croisement, étudiés expérimentalement, sont mis aujourd’hui en pratique. Dernièrement, on a étudié le déterminisme génétique des protéines du lait et spécialement des caséines coagulables, lesquelles ont un intérêt capital pour la fromagerie.

Les élevages laitiers peuvent fournir des agneaux de race pure ou produits de croisement avec des races à viande. Mais l’exploitation de la végétation naturelle des régions montagneuses et la protection de l’environnement ne peuvent pas être assurées par les brebis et les chèvres laitières. Des troupeaux de brebis et chèvres allaitantes, non traites, peuvent très bien servir cette cause. En ce moment, des travaux sont en cours dans le but de produire des carcasses d’agneaux et de chevreaux plus lourdes que les carcasses traditionnelles. Le goût de la viande de ces carcasses est très différent du goût de la viande de mouton connu en France ou en Grande-Bretagne. A ceci contribuent non seulement le génotype des animaux, mais aussi la flore qu’ils consomment.

En changeant les modes d’élevage et légèrement le génotype des animaux, non seulement il est possible de fournir le marché avec des produits de haute qualité et en quantité suffisante, mais aussi avec des produits nouveaux (types de carcasse et de fromages) assurant de bonnes perspectives aux éleveurs de petits ruminants.

Source par Nicolas KATSAOUNIS*Bulletin de l’Académie Vétérinaire
de France:  tome 145 n°2, 1992. pp. 229-234;https://www.persee.fr/doc/bavf_0001-4192_1992_num_145_2_11249 


A lire aussi:

G Kalantzopoulos. État de la recherche sur le lait de chèvre en Grèce. Le Lait, 1993, 73 (5_6),  pp.431-441. ￿hal-00929355￿ 

Vers une maîtrise de la reproduction sans hormones chez les petits ruminants Antonio LÓPEZ-SEBASTIAN, INIA Résumé  PDF  XML    INRAE Productions Animales Vol. 32 No 1 (2019)

 

Le Kri-Kri de Crète

La chèvre sauvage crétoise (Capra aegagrus creticus) est aussi appelée Agrimi (αγρίμι, « sauvage ») ou Kri-Kri. On la trouve notamment à l’état sauvage dans les gorges de Samaria, en Crète.

L’Agrimi (Capra aegagrus creticus), était considéré comme une sous-espèce de chèvre sauvage, mais des études génétiques ont récemment démontré qu’il s’agit d’une variété redevenue sauvage de la chèvre domestique de la Méditerranée orientale antique. L’espèce est en tout cas endémique de l’île de Crète et a été récemment introduite dans les trois îles grecques de Dia, Théodorou, et Agii Pandes au large de la Crète.

Sur l’île, les mâles sont appelés  Kri-kri , tandis que le nom  Sanada ; Le Kri-kri adulte a un pelage brun clair avec une bande plus foncée autour de son cou. Il a deux cornes en flèche sur la tête. La Sanada est moins contrastée et ses cornes plus courtes. Dans la nature, l’espèce est timide et très discrète pendant la journée. Elle évite les humains et les chiens, et peut escalader des falaises très abruptes. Pour l’observer il faut une paire de jumelles et rester un bon moment immobile. Au moindre mouvement, elle détale.

Le Kri-kri est un symbole de l’île très utilisé dans les stations touristiques et de la littérature officielle, bien que peu de touristes ou même d’habitants l’aient jamais vu.

De nos jours l’habitat naturel de l’Agrimi est la réserve de biosphère de l’UNESCO qui protège les gorges de Samaria, sur une série de falaises de 900 mètres de hauteur, hors des sentiers battus, près de l’un des sommets de la chaîne des Montagnes Blanches de Crète occidentale (2 400 mètres). Cette chaîne de montagnes accueille 14 autres espèces animales endémiques.

L’Agrimi dans la culture

L’Agrimi est devenu un emblème de la Crète et a une importance considérable dans l’histoire culturelle de l’île. Des graffitis antiques représentant des caprins sont visibles sur le Psiloritis, dans les gorges de Samaria, sur le plateau de Lassithi et ailleurs. Dans la mythologie grecque, le mont Ida, et plus précisément la grotte de Lyctos, auraient été le « jardin d’enfants » de Zeus lui-même, allaité, selon Zénobe, grâce à la « chèvre sauvage Amalthée ». À la mort de celle-ci, le dieu l’aurait honorée en la plaçant comme constellation dans le ciel (le Capricorne serait donc un Agrimi). Selon d’autres traditions1, à la mort de la chèvre, Zeus aurait pris sa peau pour en faire son égide : le terme grec αἰγίς / aigís signifie en effet « peau de chèvre ».

L’espèce était très commune à l’époque byzantine. À l’époque ottomane, elle est encore bien présente dans les montagnes et parfois chassée. Les effectifs diminuent fortement pendant la Seconde Guerre mondiale, l’espèce étant alors la seule viande disponible pour la guérilla de montagne contre l’occupation allemande. En 1960, l’Agrimi était menacé de disparition avec un effectif inférieur à 200 individus, et de plus, le développement des élevages extensifs de chèvres domestiques risquait de favoriser les croisements. Son statut a été l’une des raisons pour lesquelles les gorges de Samaria devinrent un parc national en 1962. Il y a actuellement environ 2 000 animaux sur l’île et l’espèce est classée vulnérable : la crise économique a relancé le braconnage (la chasse est strictement interdite) et des épizooties ont touché l’Agrimi en même temps que l’hybridation avec des chèvres domestiques actuelles. De plus, les pâturages sauvages sont devenus rares.

Les chèvres du genre Capra

Les chèvres du genre Capra ont des relations systématiques complexes, qui ne sont pas complètement résolues. Des études récentes sur la base de l’ADN mitochondrial suggèrent que le bouquetin de Sibérie et le bouquetin de Nubie représentent des espèces distinctes, qui ne sont pas étroitement liées au bouquetin des Alpes. Presque toutes les espèces de chèvres sauvages sont allopatriques, c’est-à-dire, géographiquement séparées. Les seuls chevauchements géographiques sont ceux de la chèvre sauvage (Capra aegagrus) avec la chèvre du Caucase oriental (Capra cylindricornis), ainsi que le markhor (Capra falconeri) avec le bouquetin de Sibérie (Capra sibirica). Dans les deux cas, les espèces ont des aires de répartition qui se chevauchent, mais ne se croisent généralement pas entre elles dans la nature. Cependant, en captivité toutes les espèces du genre Capra peuvent se croiser et produire une descendance fertile.

La chèvre domestique (Capra hircus hircus) est une sous-espèce domestiquée de chèvre sauvage (Capra aegagrus). Les preuves de domestication remontent à plus de 8 500 ans. Les chèvres sauvages sont réparties en Europe, en Afrique et en Asie. Les variétés domestiquées sont présentes sur tous les continents, sauf l’Antarctique.

Les espèces du genre Capra sont des animaux de montagne. Ils sont très agiles et robustes, capable de grimper sur la roche nue et survivre avec une végétation clairsemée. Les espèces peuvent être distinguées du genre Ovis, qui comprend les ovins, par la présence de glandes olfactives à proximité des pieds, de l’aine, et à l’avant des yeux, ainsi que par l’absence de glandes faciales, par la présence d’une barbe chez les mâles et de callosités sur les genoux des pattes antérieures.

Parmi les chèvres sauvages, seule la chèvre des montagnes rocheuses est classée dans un genre distinct, le genre Oreamnos.