Communauté grecque des Alpes-Maritimes

Une cruche grecque dans la tombe d’un prince celte mort vers 450 av. J.-C.

La chambre funéraire du prince de Lavau a été découverte, dans l’Aube, en 2015. Cette sépulture, riche d’objets de prestige et de vaisselle d’importation, atteste les échanges commerciaux importants entre le nord de l’Europe et le monde méditerranéen.

Aujourd’hui, dans ce bout de ZAC de la périphérie nord-est de Troyes, on trouve une boulangerie, un restaurant et un hôtel qui se sont posés sur ce qui était, il y a dix ans encore, une parcelle agricole. Mais si l’on remonte beaucoup plus loin dans le temps, le lieu était occupé par un immense tumulus de 40 mètres de diamètre surmontant la chambre funéraire d’un prince celte. Une tombe restée inviolée pendant deux millénaires et demi, une des plus belles découvertes archéologiques de ce début de XXIe siècle.

Au départ, la fouille menée sur la commune de Lavau par l’Institut national de recherches archéologiques préventives devait durer deux mois. Mais, devant son caractère exceptionnel, elle s’est étalée d’octobre 2014 à avril 2015, sous la conduite de l’archéologue Bastien Dubuis. Pour bien étudier la dernière demeure et le matériel funéraire de celui que l’on appelle désormais le prince de Lavau.

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« On a les trois attributs qui caractérisent le fait princier au Ve siècle avant notre ère, explique Bastien Dubuis. Un char, à deux roues ; une parure en or avec un torque, des bracelets, une fibule dorée ; de la vaisselle d’importation. » De la vaisselle pour manger, avec deux grosses assiettes en bronze et un couteau de cérémonie qui a pu servir pour partager la viande. Et de la vaisselle luxueuse pour boire : un grand chaudron en bronze où l’on mélangeait le vin avec différents aromates ; une œnochoé, cruche grecque à décor peint qui servait à puiser le vin et à le distribuer ; une passoire en or et en argent – métal très rare au nord des Alpes à cette époque – qu’on utilisait pour filtrer la boisson ; un gobelet dont ne subsiste plus que le pied en métal précieux ; une exquise petite cuillère, perforée de petits trous, qui servait peut-être à récupérer des éléments végétaux fins dans le gobelet.

« Customisé » à la mode celtique

« Produite vers 500 avant notre ère, l’œnochoé attique n’aurait pas grande valeur dans sa région d’origine, fait remarquer Bastien Dubuis. Mais ici, c’est un vase rare, exotique et précieux. Il a été “customisé” à la mode celtique avec des rehauts d’or et d’argent pour mettre en valeur la scène peinte. » Où l’on voit Dionysos face à un personnage féminin, sans doute Ariane. Comme le vin, le vase est importé. Tous deux symbolisent les échanges commerciaux importants entre le nord de l’Europe et le monde méditerranéen, qui suivent alors la vallée de la Seine. Route du vin, de l’étain, du fer, de l’ambre, des esclaves et peut-être aussi de la réputée charcuterie celte. Qui contrôle cet axe s’assure pouvoir et richesse.

Mort vers 450 av. J.-C., le prince de Lavau est le dernier aristocrate connu dans la région. Le phénomène princier, qui voit la constitution de petits Etats centralisés, y aura duré moins d’un siècle. Les échanges politiques avec la Méditerranée cessent, et avec eux les cadeaux diplomatiques. « C’est le retour à la société celtique d’avant le modèle princier, explique Bastien Dubuis, un modèle guerrier » articulé autour de chefferies locales. Le monde de ceux que les Romains nommeront les Gaulois.

Fouille de Lavau

Source : Le Monde

Relevé 3D de la tombe princière à la fin de la fouille. Allongé au centre, la tête tournée au sud, le défunt repose sur la caisse d’un char à deux roues ; dans un angle est disposé un riche ensemble de vaisselles, dédiées à la consommation du vin.

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Vue zénithale du monument princier. S’étendant sur près de 1 hectare, il associe un grand tumulus délimité par un enclos quadran-gulaire (à droite) à un second enclos deux fois plus vaste délimitant les monuments des « ancêtres », remontant au début du premier âge du Fer.

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La tombe de Lavau, fouillée par Bastien Dubuis de l’Inrap dans l’hiver 2014-2015, se situe dans la vallée de la Seine, en périphérie de Troyes. Elle était associée à un très vaste monument funéraire, à l’architecture singulière, mettant en valeur plusieurs monuments antérieurs. La sépulture est celle d’un homme de très haut rang, ayant vécu dans la première moitié du ve siècle av. J.-C. Déposé sur la caisse d’un char à deux roues, il est accompagné d’un riche dépôt de vaisselles importées d’Étrurie (chaudron, bassin, ciste à cordons), de Grèce (œnochoé à figures noires) et peut-être d’autres contrées (plusieurs objets en argent doré). Le nombre et la qualité des parures et accessoires vestimentaires, comme le torque et les deux bracelets en or, témoignent du statut élevé du personnage. Le mobilier découvert se distingue par l’emploi de matériaux variés et rares, la mise en œuvre de techniques de haut niveau et la très grande qualité d’exécution de plusieurs objets. Le faste du prince de Lavau et son goût pour la culture méditerranéenne constituent l’un des tout derniers témoignages de ce phénomène spectaculaire, qui porte ici quelques éléments d’un nouvel âge, celui du deuxième âge du Fer, celui des Celtes historiques : il s’agit donc d’un exceptionnel ensemble de transition.

Dépôt de vaisselles. Vue oblique vers l’est du dépôt de vaisselles, avec le grand chaudron à décor de têtes d’Achéloos, percé au centre par une ciste à cordons. À ses pieds sont disposés deux bassins en bronze et une bouteille en céramique cannelée « vixéenne ».
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Œnochoé. À l’intérieur du chaudron, la fouille a mis au jour une œnochoé attique à figures noires, ornée de décors en or et en argent ; elle était associée à plusieurs objets en argent doré (passoire, cuillère perforée, pied de coupe ou de gobelet).

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Le défunt. L’homme, déposé sur le dos, porte un torque (collier rigide), un bracelet en roche noire et deux en or. À sa droite apparaît une des deux roues du char sur lequel il est couché.