Communauté grecque des Alpes-Maritimes

Cinéma grec : histoire

Le cinéma grec naquit dès le début du XXe siècle. Il est surtout connu par ses grands réalisateurs que sont Theo Angelopoulos, Michael Cacoyannis, CostaGavras et Jules Dassin et les grandes actrices Melina Mercouri et Irène Papas.

Les premières projections de films, des frères Lumière, eurent lieu dès 1897 à Athènes. Le premier film, dactualités, tourné en Grèce le fut par un envoyé de la Gaumont en 1906. Les frères Manákis qui filmèrent lactualité et le folklore en train de disparaître, furent des pionniers du cinéma dans les Balkans. Après quelques courtsmétrages du comique Spyridion en 1911, le premier long métrage grec attesté fut Golfo du Smyrniote Kostas Bahatoris, sorti en 1914. Au début des années 1930, Daphnis et Chloé (1931) dOrestis Laskos proposa les premières scènes de nu du cinéma européen ; LAmoureux de la bergère (1932) de Dimitris Tsakiris fut le premier film parlant grec et Corruption sociale (1932) de Stelios Tatassopoulos fut le premier film engagé politiquement. Ensuite, le cinéma grec entra en crise, pour des raisons techniques et financières en partie liées à lavènement du parlant. La production fut même délocalisée en Égypte.

La période de la guerre, avec une production peu active, prépara cependant les décennies suivantes avec la création de la grande maison de production Finos Film par Filopímin Fínos et les débuts des grands réalisateurs comme Yórgos Tzavéllas ou Alékos Sakellários. Dans les années 1950, le nombre de films produits chaque année augmenta fortement. La vogue du mélodrame déboucha sur des réalisations néoréalistes ou plus nuancées comme Le Réveil du dimanche (1954), premier film de Michael Cacoyannis ou La Fausse Livre dor de Tzavéllas en 1956. Stélla de Cacoyannis en 1955 fut un tournant. Sur une trame de mélodrame néoréaliste, il mêlait habilement les cultures grecques antique et moderne, le tout porté par son actrice principale Melina Mercouri, ouvrant ainsi une nouvelle ère du cinéma grec.

iRENE PAPPA

IRENE PAPPA

Dans les années 1960, le cinéma grec connut ce qui est considéré comme son apogée, au moins dun point de vue commercial en nombre de films et de spectateurs. En parallèle, les pistes ouvertes par Cacoyannis furent suivies par de nouveaux réalisateurs comme Theo Angelopoulos, permettant la naissance dun véritable cinéma intellectuel grec. La dictature des colonels fut une période de transition. Le cinéma populaire disparut face à larrivée de la télévision et des grandes productions hollywoodiennes. En parallèle, la censure des débuts du régime mit un coup darrêt au cinéma dauteur. Celuici rebondit dans les dernières années en réussissant à contourner les interdits pour exprimer des idées politiques et sociales opposées aux valeurs de la dictature. Ce qui est depuis appelé le « Nouveau Cinéma grec » simposa dans les années 1970, avec des affrontements entre anciens et nouveaux, principalement au festival de Thessalonique.

LOGOTHETIDIS & LIVIKOU

Le Nouveau Cinéma grec connut un immense succès critique et multiplia les prix dans les festivals à travers la planète. Cependant, il atteignit ses limites sur les plans du financement et de la diffusion, au début des années 1980. Il fut alors sauvé par le Centre du cinéma grec qui, réformé par la ministre de la culture Melina Mercouri, lui assura un financement pérenne. Très vite, ce qui fut considéré comme une nouvelle mainmise étaticineque sur la production cinématographique du pays, fut fortement critiqué, avec de nouveaux remous au festival de Thessalonique.

Histoire

Origines

Statue de Miltos Manákia à Monastir.

 

Les premières projections publiques connues remontent au printemps 1897 : des films des frères Lumière furent projetés dans une petite salle aménagée pour loccasion à Athènes. Les premières installations définitives de projecteurs de cinéma dans des théâtres datent de 1903. Le premier film tourné en Grèce fut un film dactualités, pour la Gaumont, sur les Jeux olympiques intercalés de 1906 à Athènes. Lopérateur, appelé Léon, vint spécialement du Caire. Lannée suivante, il tourna un nouveau reportage, La Fête du roi Georges Ier. En 1910, un opérateur Pathé, Joseph Hepp, qui fit une très longue carrière dans le pays, sinstalla à Athènes. Il commença dabord comme projectionniste pour la salle Panhellinion puis il tourna des films dactualités tel que Petits Princes dans le jardin du palais (dont ne subsiste que quelques fragments)[1],[2],[3].

Les frères Yannakis et Miltos Manákis, originaires de Macédoine puis installés à Monastir, sont considérés comme des pionniers du cinéma dans les Balkans. À ce titre, ils sont revendiqués par les différents pays qui depuis se sont partagés la région, dont la Grèce. Ils réalisèrent surtout des films dactualités (Pendaisons des Macédoniens insurgés contre le pouvoir ottoman en 1907, des scènes du Mouvement des Jeunes Turcs en 1908 ou Voyage du sultan Mohamed V Rechad à Thessalonique et à Monastir en 1911). On leur doit aussi de nombreux documentaires sur la vie quotidienne en Macédoine au début du XXe siècle (ainsi, en 1905 : Les Fileuses, en 1906 : Un Mariage valaque ou en 1908 : Une Foire à Grevena)[3],[4].

On sait que des courtsmétrages comiques inspirés des équivalents américains (Max Linder, Mack Sennett ou Charlie Chaplin) fleurirent aussi aux débuts des années 1910. Les plus célèbres furent ceux de lacteur de musichall Spyridion Dimitrakopoulos, dit Spyridion, inspiré (vu sa corpulence) par Roscoe « Fatty » Arbuckle. Il créa sa propre maison de production Athina Films en 1910 puis tourna son premier film en 1911 : Quo Vadis Spyridion ? puis, la même année Spyridion caméléon suivi de Spyridion bébé. Il continua ensuite dans la même veine. Le premier longmétrage grec, Golfo, fut réalisé en 1914 par Kostas Bahatoris et Filippo Martelli qui réalisait déjà les Spyridion. Bahatoris, homme daffaires originaire de Smyrne avait été inspiré par les films historiques italiens. Il adapta à lécran une pièce de théâtre à succès qui racontait les amours dun berger partagé entre la fille dun notable et une pauvre bergère. Golfo fut aussi le premier dune longue série de « films en fustanelle », films historiques tirant leur nom de lhabit traditionnel et « folklorique » du XIXe siècle grec[2],[4].

Années 1920

Les années 1920 furent dominées par la société de production (DagFilm) et les films des frères Gaziádis, principalement Dimítrios. Après avoir commencé dans les courtsmétrages et les actualités, ils sengagèrent dans les longs métrages. Il sagissait parfois de remakes de films à succès de lépoque. Astéro (1929) est une adaptation grecque du Ramona dEdwin Carewe sorti en 1928. Il fut aussi le premier véritable succès commercial du cinéma grec. La Bourrasque (1929) est inspiré de la pièce Karl und Anna de Leonhard Frank, mais adaptée au retour dun soldat grec de la défaite dAsie mineure afin de réutiliser les images tournées pendant le conflit par Dimítrios[5],[6].

Une nouvelle génération de comiques, toujours inspirés par leurs homologues américains, fit aussi son apparition alors. Le plus célèbre fut « Michaïl Michaïl fils de Michaïl » qui en 1923 multiplia les courtsmétrages (Michaïl est sans le sou, LAmour de Michaïl et Concetta, Le Mariage de Michaïl et Concetta, etc.). Son grand concurrent, à la carrière beaucoup plus longue, fut Vilar (de son vrai nom Nicolas Sfakianakis) qui tourna avec Joseph Hepp Vilar aux bains féminins de Phalère (1922) ou Les Aventures de Vilar (1926)[5],[7].

Achilleas Madras vers 1916.

 

Cependant, la plupart des films étaient tournés rapidement soit par des passionnés motivés par leur enthousiasme soit par des spéculateurs motivés par lappât du gain. Dans tous les cas, les qualités esthétiques (décors, costumes ou jeu des acteurs) nétaient pas vraiment au rendezvous, comme pour Maria Pentayotissa (1926/1929) ou Le Magicien dAthènes dAchilleas Madras. Larrivée du parlant eut sur les studios grecs le même effet quailleurs. La DagFilm se ruina pour adapter ses studios et acheter le matériel Western Electric. Elle reçut alors le soutien direct de la banque de Grèce et du gouvernement Venizélos (19281932). Les années 1931 et 1932 virent ainsi de grandes innovations : Daphnis et Chloé (1931) dOrestis Laskos proposait les premières scènes de nu du cinéma européen ; LAmoureux de la bergère (1932) de Dimitris Tsakiris fut le premier film parlant grec[N 1] ; Corruption sociale (1932) de Stelios Tatassopoulos fut le premier film engagé avec des scènes de grèves et de manifestations très réalistes[8],[9],[10].

La crise des années 19301940

Cependant, la défaite électorale de Venizélos en 1932 lempêcha de tenir toutes ses promesses. Ainsi, labrogation par le gouvernement suivant de la loi 5240/1932 qui accordait des dégrèvements fiscaux aux films grecs accentua la situation difficile de la production cinématographique nationale. La dictature de Metaxás, après 1936, imposa une législation très stricte pour contrôler la production cinématographique. Puis loccupation limita à son tour un cinéma grec déjà fragilisé[8],[10],[11].

Une partie des tournages fut pratiquement « délocalisée » en Égypte. La demiedouzaine de films tournés dans la seconde moitié des années 1930 le furent dans les studios du Caire ou dAlexandrie, mieux équipés que ceux dAthènes. De plus, en raison de la forte communauté grecque dans le pays, de nombreux artistes grecs de musichall y venaient en tournée. Ils tournaient alors sur place dans des coproductions égyptogrecques à destination des deux marchés populaires grecs (Égypte et Grèce même). Alevise Orfanelli réalisa ainsi Fiançailles à obstacles en 1938 puis La Petite Agnès (ou La Petite Pure) lannée suivante. Togo Misrahi réalisa en 1937 Docteur Epaminondas avec les célèbres sœurs Anna et Maria Kalouta puis La Réfugiée en 1938[12]. La critique ne fut pas tendre avec ces réalisations, mais il est aujourdhui difficile de se faire une idée, les copies ayant disparu pour la plupart dentre elles[13].

En 1939, Filopímin Fínos installa ses studios dans la villa de son père dans la banlieue dAthènes avant dy créer en 1942 sa maison de production, la Finos Film. Il tourna alors son seul film en tant que réalisateur : Le Chant du départ, le premier film grec avec un son pris en direct et non doublé[12],[13]. Le premier film de sa maison de production fut en 1943, le mélodrame La Voix du cœur qui reçut un très bon accueil public avec 102 237 entrées lors de sa sortie à Athènes. Par contre, les autres petites maisons de production créées alors ne survivaient que le temps dun film. Au total, pendant loccupation, cinq films furent réalisés en Grèce[14].

Apogée

Les succès de limmédiat aprèsguerre

Entre fin 1944 et 1946, neuf films furent tournés. Le tournage de trois dentre eux avait cependant commencé pendant la guerre, comme La Villa aux nénuphars de Dimitris Ioannopoulos. Le tournage avait été interrompu lorsque le producteur Filopímin Fínos avait été arrêté pour fait de résistance. Une grande partie de ces films et ceux des années suivantes étaient des films de guerre, aseptisés en raison du contexte de guerre civile et dinterdiction du parti communiste. Les héros étaient des individus issus des classes moyennes et souvent membres de larmée régulière en Égypte (Esclaves non asservis (1946), Raid et La Crète en flammes (1947), Bastion 27 (1948), Dernière mission (1949), etc.). En parallèle, les comédies, souvent inspirées des succès du théâtre, furent légion (Prends femme dans ton pays dAlékos Sakellários (1946), Cent mille livresor dAlekos Livaditis (1948), Viens voir le tonton ! de Nikos Tsiforos (1950), etc.), tout comme les mélodrames (Visages oubliés (1946), Marina (1947), Marinos Kontaras (1948) ou LIvrogne (1950) de Yórgos Tzavéllas, etc.)[15].

Dans cette production, Applaudissements de Yórgos Tzavéllas se faisait remarquer par sa qualité esthétique et narrative : une vieille gloire (interprété par Attik, lui même vieille gloire du musichall) meurt démotion en entendant lovation que lui réserve une dernière fois le public. Il en fut de même pour Les Allemands reviennent adaptation de sa propre pièce par Alékos Sakellários qui traite de la résistance et de la guerre civile sur le ton de la comédie grinçante[15].

Évolutions des années 1950

En 1950, deux nouveaux jalons pour le cinéma grec furent posés. Maria Plyta fut la première Grecque à réaliser un film : Fiançailles. Les critiques réunis dans lAssociation panhellénique des critiques de cinéma décidèrent la création du Cinéclub dAthènes, base de la future Fondation de la cinémathèque grecque. Lannée suivante, la première école de cinéma fut créée par Grigóris Grigoríou et Lycurgue Stavrakos. Cette École supérieure de cinéma fut très vite surnommée « cours Stavrakos ». En 1955, le premier cinéclub du pays, lArt, fut créé à Thessalonique, sous limpulsion de Pavlos Zannas[10],[16].

En 1953, la production cinématographique atteignit un premier sommet avec vingtdeux films réalisés, pour quinze films produits lannée précédente. Elle monta à trente films en 1957 pour un apogée définitif pour la décennie en 1958 (51 films) et 1959 (52 films). Le nombre de spectateurs passa quant à lui de un million à deux millions par an (pour une population autour de huit millions). Par contre, le gouvernement grec ne soutenait pas du tout le cinéma national alors. Un impôt supplémentaire de 6 % était prélevé sur les résultats des films grecs (loi 2 281 du 10 octobre 1952) alors que les producteurs étrangers profitaient de dégrèvements fiscaux destinés à les inciter à venir tourner dans le pays[11],[16],[17].

Les coproductions grécoégyptiennes reprirent au début des années 1950, pour les mêmes raisons quauparavant : importante diaspora grecque avec de riches investisseurs, comme Sotiris Milas, capables de créer des sociétés de production (ainsi la Milas Films) et des acteurs grecs en tournée. Ainsi, en 1952, Alékos Sakellários y tourna Un Pavé dans la mare avec la troupe de Vassilis Logothetidis, une adaptation cinématographique de la pièce quils venaient jouer[18].

La vieille mine d’émeri de Naxos où se déroule La Terre noire de Stélios Tatassópoulos (1952)

 

Les succès des mélodrames (plus de 300 000 entrées à Athènes pour LIvrogne) poussèrent les producteurs à multiplier ce genre de films au titre toujours évocateur : Jai brisé ma vie en une nuit (1951), Mon Enfant doit vivre (1951), Rejetée par son enfant même (1955), Petite Maman, je veux que tu vives (1957), Le Calvaire dune innocente (1961), etc[19]. Le plus célèbre resta Les Lanternes rouges de Vasílis Georgiádis (1963), nommé pour loscar du meilleur film en langue étrangère, dont la qualité dimage et de jeu des acteurs, célèbres, donnaient une ampleur plus large à cette histoire de prostituée du Pirée[20]. Cependant, les thèmes abordés (misère, injustice sociale, etc.), les contraintes économiques (studios souséquipés et manque dargent) qui poussèrent à tourner en décors naturels, ainsi que le contexte politique limitant la liberté dexpression, conduisirent à un cinéma néoréaliste. Pain amer de Grigóris Grigoríou (1951) puis La Terre noire de Stélios Tatassópoulos (1952) en furent les plus célèbres exemples. La Terre noire fut tourné en décors naturels, sur Naxos, avec la participation des habitants du village minier de montagne Apiráthos. Ces deux films furent cependant des échecs commerciaux (autour de 30 000 entrées). La Louve de Maria Plyta (1951) sinscrivait aussi dans cette vague néoréaliste[10],[19].

Lautre évolution à partir du mélodrame de base fut le glissement vers le « film de mœurs[N 2] ». Ainsi, LAgnès du port[N 3] de Tzavéllas (1952) pourrait être un mélo : une jeune femme se prostitue pour que sa mère, abandonnée par son père, survive. Cependant, le réalisme, proche du néoréalisme, et lhumour régulièrement présent, lui permettent de sortir du lot des mélodrames. De même, le travestissement de Ginette Lacage dans Les Quatre Marches de Yorgos Zervos donne une autre dimension à un film par ailleurs à préoccupation sociale puisquil évoque le travail et lémancipation des femmes[19]. Ce fut dans cette veine que deux jeunes réalisateurs inscrivirent leurs premiers films : Michael Cacoyannis avec Le Réveil du dimanche en 1954 et Níkos Koúndouros avec dabord Ville magique la même année puis surtout LOgre dAthènes en 1956[11].

Stélla de Cacoyannis (1955) est considéré comme un véritable tournant. Sur une trame de mélodrame (une chanteuse est assassinée par son amant après quelle a refusé de lépouser), le réalisateur et son scénariste Iákovos Kambanéllis abordaient des thèmes nouveaux qui se retrouvèrent ensuite dans la production cinématographique grecque : la reconnaissance de la culture passée avec la place faite à la tragédie antique (destin inévitable et rôle du chœur) mais aussi de la culture populaire de lépoque contemporaine (avec la présence des bouzoukis et du rebetiko), ainsi que la libération féminine du poids de la société patriarcale traditionnelle. Le tout fut porté par deux des plus grands acteurs grecs : Mélina Mercouri et Giórgos Foúndas. Le film fut un succès critique international tandis que la critique grecque le détesta et que le public lui fit un accueil favorable (133 518 entrées en première exclusivité à Athènes)[10],[21],[22],[23].

Cependant, tout ne fut pas alors nouveauté ou évolution. La vogue du « film en fustanelle » se poursuivit, dans un but purement commercial, avec même des remakes des grands succès du genre de lentredeuxguerres : Golfo dOrestis Laskos en 1955, LAmoureux de la bergère deux fois en 1955 (par Dinos Dimopoulos puis par Dimis Dadiras) et par Ilias Paraskevas en 1956, Maria Pentayotissa en 1957 par Kostas Andritsos ou Astero de Dinos Dimopoulos en 1959. Dans la même veine, il y eut une Bouboulina par Kostas Andritsos en 1959. La critique considère Flûte et sang (1961) de Vassilis Georgiadis et Les Orgueilleux (1962) dAndreas Lambrinos comme les meilleurs représentants de ce genre typiquement grec[21].

Années 1960 : triomphe et début du déclin

La Finos Film domina la production cinématographique grecque.

La loi L 4 208 du 19 septembre 1961 transforma les conditions de production cinématographique en instaurant une taxe sur les films étrangers projetés en Grèce afin de financer le cinéma national, en créant des crédits spécifiques pour léquipement des studios, en dirigeant une partie de la taxe sur les spectacles au financement du cinéma, enfin en soutenant les films dart et dessai (aides financières et projection obligatoire dans les grandes salles). Si les effets financiers réels furent limités, le résultat le plus significatif de cette loi fut la pérennisation de la Semaine du cinéma grec de Thessalonique, vitrine du cinéma national. De plus, les sommes dargent liées aux prix distribués au festival permettaient de financer les films suivants des lauréats. Cependant, ce financement indirect par lÉtat lui donnait aussi un contrôle sur la production cinématographique[24].

En 1963, lunion du centre de Geórgios Papandréou remporta les élections et entama une libéralisation du pays, surtout sur le plan de la censure. La création cinématographique profita de cette atmosphère, aussi bien les films grand public que les films dauteur[24],[25]. En 1966, 101 films furent réalisés. En 1967, le cinéma grec atteignit son record historique avec centdixsept films produits. Lannée suivante, le nombre dentrées fut aussi un record inégalé : vingt millions de spectateurs dans la région de la capitale et 137 millions sur lensemble du pays (pour une population autour de huit millions)[26],[27],[28]. Cette décennie est considérée aussi comme celle du triomphe du cinéma commercial, jusquen 1973 avec Marie du silence considéré comme son chant du cygne[17]. La production eut en effet tendance à se standardiser. En gagnant en qualité technique, elle perdit en sincérité. Le but commercial poussa à la production à la chaîne de films reprenant les mêmes formats, les mêmes thèmes, les mêmes motifs voire des répliques équivalentes[29]. 95 % des recettes étaient réalisés par ces films commerciaux construits autour des stars locales comme Alíki Vouyoukláki ou Thanássis Véngos. En 1966, Ma Fille la socialiste avec la première arriva en tête du boxoffice avec 660 000 entrées, Au Secours Vengos avec le second était cinquième avec 474 560 entrées. Un film « intellectuel » comme le Face à face de Robert Manthoulis narrivait que 66e avec 89 570 entrées[26].

La grande star féminine de la période fut Alíki Vouyoukláki. Coqueluche du jeune public féminin, elle multiplia les rôles de jeune ingénue écervelée dans des comédies rythmées de virgules musicales. Elle tourna beaucoup avec Alékos Sakellários : Qui aime bien châtie bien (1959), Aliki dans la marine (1961), etc. Alíki Vouyoukláki était aussi une des actrices principales de la grande vogue des comédies musicales à laméricaine dont le réalisateur Yánnis Dalianídis devint le grand spécialiste (Certains laiment froid en 1962, Ça brûle en 1964, Des Filles à croquer en 1965, etc.). Le genre de la comédie en général fut plébiscité par le public. Un grand nombre de films étaient en fait des adaptations de comédies de boulevard à succès ou écrits de façon théâtrale par des dramaturges, sur des trames similaires : couple damoureux bloqués dans leurs projets de mariage ; maris jaloux, épouses volages ; employés honnêtes, patrons combinards et hommes politiques véreux, etc., le tout interprété par des acteurs qui triomphaient en même temps sur les planches : Thanássis Véngos, Nikos Rizos, Vassilis Logothetis, Mimis Fotopoulos ou Georgia Vassiliadou. Parmi ces succès, se trouvent des films tels que La Tante de Chicago dAlékos Sakellários (1957), BlancheNeige et les Sept Vieux Garçons de Iákovos Kambanéllis (1960), Mariage à la grecque de Vasílis Georgiádis (1964), Un Vengos fou, fou, fou de Panos Glykofridis ou Et la femme craindra son mari de Yórgos Tzavéllas en 1965. La plupart de ces films, multirediffusés à la télévision ne sont plus annoncés dans les programmes et les magazines que comme « film grec », sans titre, ni résumé, ni annonce dacteurs ou de réalisateur, tant ils sont finalement interchangeables[17],[30].

Mélina Mercouri, star de Jamais le dimanche, en 1982.

 

À côté de ces films commerciaux, un cinéma plus intellectuel put prospérer grâce au financement plus ou moins direct de lÉtat. Les films précurseurs furent La Rivière de Níkos Koúndouros et Jamais le dimanche de Jules Dassin, sortis en 1960. LÉlectre de Cacoyannis en 1962 ouvrit la voie aux adaptations cinématographiques de qualité des tragédies antiques, malgré léchec de lAntigone de Tzavéllas lannée précédente. La veine néoréaliste se poursuivit avec Quartier Le Rêve, dAlekos Alexandrakis, considéré comme lun des films les plus importants de 1961. Il évoque la lutte des habitants dun quartier misérable dAthènes. Tourné en décors naturels avec la population locale et allant à lencontre du discours de progrès et de modernisation du pays, il fut interdit par la censure (abolie seulement lannée suivante) qui finit par ne lautoriser que dans quelques grandes villes. Lévolution touche aussi les films de guerre. Ciel de Tákis Kanellópoulos en 1962 est antimilitariste et ne glorifie plus les héros. La bravoure des soldats de la guerre italogrecque nest quun aspect de la personnalité de ces hommes qui se révèlent pour ce quils sont face à la mort[31]. Un réseau de cinéclubs, de plus en plus nombreux à travers le pays et regroupés en une Fédération à partir de 1961, accueillait ces films[32].

ZORBA LE GREC

Cependant, si la censure politique était en partie levée, il nen était pas de même de la censure économique. Nombre de projets de films politiques et sociaux ne rencontraient pas de producteurs. Les réalisateurs, parfois aussi débutants, tournaient alors des courtsmétrages. Lassassinat de Gregoris Lambrakis en 1963 avait suscité dans les mois qui suivirent Cent Heures en mai de Dimos Theos et Fotos Lambrinos. La même année Attente de Kostas Sfikas évoquait le chômage et lexploitation des ouvriers. En 1964, Les Oliviers de Dimitris Kollatos fut interdit par la censure et ne put être projeté quaprès la chute des colonels. Il raconte le mariage forcé dune jeune Crétoise. Pantelís Voúlgaris avec Le Voleur en 1965 et Jimmy le tigre en 1966 montrait létat de la société grecque et ses évolutions : les combines des plus pauvres des Grecs pour survivre et linfluence grandissante du modèle américain. Cependant, un film comme Bloko dAdo Kyrou en 1965, dépouillé, réaliste et brechtien pour raconter un massacre de populations par les troupes nazies fut un échec public et commercial[33].

Le festival du cinéma grec de Thessalonique en 1966 refléta ce qui pouvait être considéré comme la « Nouvelle Vague » grecque, avant que la création fût brisée par la censure des débuts de la dictature des colonels. Cette année, à Thessalonique, furent présentés Jusquau bateau dAléxis Damianós, La Peur de Kostas Manoussakis ou LExcursion de Takis Kannelopoulos[25]. De nombreux films sont alors interdits ou restent inachevés. Les Pâtres du désordre de Nikos Papatakis qui se termine sur le coup dÉtat des colonels, sortit en France en 1968, mais ne fut projeté en Grèce quen 1974. Le tournage du Visage de la Méduse de Níkos Koúndouros dut sarrêter. Il ne fut achevé quen 1977 et sortit sous le titre de Vortex. Il en fut de même pour les films engagés : Kierion de Dimos Theos évoquant la mort de George Polk pendant la guerre civile ou Lettre ouverte de Yórgos Stamboulópoulos[34],[35].

Le tournant de la dictature des colonels

Cet apogée fut aussi le début du déclin. Les difficultés politiques liées à la dictature des colonels puis larrivée de la télévision portèrent un coup quasifatal à la production cinématographique grecque. En 1974, les spectateurs nétaient plus quun million et demi à fréquenter les salles de cinéma qui projetaient une quarantaine de films grecs[27]. À ses débuts, la télévision grecque némit que dans la région dAthènes en 19661968. Dès ces années, la fréquentation des cinémas y baissa de 5 % en moyenne tandis quelle continuait à progresser dans le reste du pays. En 1968, il y eut, record absolu, 137 millions dentrées au cinéma dans le pays (soit 15 entrées par habitant) ; 70 millions en 1973 et 39 millions en 1977. En Attique, en 1969, il y avait 347 salles de cinéma et 541 cinémas en plein air ; en 1974, il ne restait que 260 salles et 330 cinémas de plein air. Les ventes de tickets de cinéma baissèrent de 10 % sur lensemble du pays entre 1968 et 1971 ; surtout, elles baissèrent de 20 % à Athènes ; la chute pour les films grecs étaient de 30 %. Le cinéma national seffaçait face au cinéma étranger, en fait américain[28],[36],[37]. Le régime des colonels favorisa le développement de la télévision et la mise en place de programmes de qualité afin de fidéliser le téléspectateur. Dans ce but, la télévision entreprit de diffuser et rediffuser les grandes comédies du cinéma populaire des deux décennies précédentes. Lidée était de garder la population grecque chez elle et déviter quelle se réunît et discutât, aussi bien dans la salle de cinéma que dans la file dattente[28],[38]. Dans le même but, la Fédération nationale des cinéclubs fut démantelée[39].

Les années 1967 à 1974 furent marquées par la quasidisparition du cinéma dit populaire, remplacé par la télévision tandis que saffirmait le cinéma dauteur. Ce dernier, dabord limité par la censure finit par trouver dans celleci un défi intellectuel pour la contourner. En effet, dès leur arrivée au pouvoir, les colonels remirent en place une censure afin de préserver « la Famille, la Patrie et lÉglise ». Ce fut à ce titre quils firent interrompre le tournage des Pâtres du désordre de Nikos Papatakis. En 1969, un décret encadra les films autorisés à être projetés en Grèce ou hors de Grèce lors des festivals : ils devaient être conformes « aux conceptions religieuses, aux traditions du peuple grec, à son niveau politique et culturel, à lordre public et à la sécurité nationale ». Des commissions de contrôle avaient été mises en place lannée précédente : elles intervenaient avant le tournage, pouvant exiger la réécriture voire la suppression de dialogues ou de scènes et après le tournage avant projection : changement du titre, contrôle des bandesannonces, des affiches ou des photos promotionnelles. Nombre de cinéastes préférèrent sexpatrier : Michael Cacoyannis, Níkos Koúndouros ou Robert Manthoulis[35],[40].

Pavlos Melas, figure récupérée par la dictature des colonels qui commanda un film à sa gloire en 1974. Ici par Georgios Jakobides.

 

Dans latmosphère nationaliste de la dictature, les « films en fustanelle » connurent une nouvelle heure de gloire. Les films sur la résistance pendant la seconde Guerre mondiale furent aussi fortement valorisés. Un organisme gouvernemental fut même créé en 1970 afin de les financer : la Société générale anonyme industrielle et commerciale dentreprises cinématographiques (après la dictature, en 1975, cette société devint le Centre du cinéma grec). Ainsi, furent financés en 1971 Papaflessas sur le héros éponyme de la guerre dindépendance grecque ou LAube de la victoire se déroulant en Crète pendant loccupation allemande. Les plus célèbres de ces deux sousgenres du cinéma patriotique furent Esmé, la petite Turque (1974) pour la guerre dindépendance et Souslieutenant Natacha, en 1970, avec la star Alíki Vouyoukláki, sur la résistance (noncommuniste) et les camps. Dautres périodes « héroïques » de lhistoire du pays ne furent pas oubliées : la lutte pour la Macédoine au début du XXe siècle (La Génération des héros de 1970 ou Pavlos Melas sur le combattant éponyme en 1973) ; lattaque italienne avec Non en 1969 ; loccupation bulgare pendant la seconde Guerre mondiale (Les Braves du Nord en 1970) ou la présence britannique à Chypre et la lutte pour lindépendance (Devant le gibet, 1968, LÎle dAphrodite 1969). Lidée était de présenter la Grèce comme assiégée par dirréductibles ennemis. Et, pour len protéger, le maintien dictatorial de lordre était la seule solution[41].

Les valeurs du régime furent aussi plus ou moins ouvertement mises en scène dans le reste de la production cinématographique. Les championnats dEurope dathlétisme à Athènes en 1969 furent loccasion dun documentaire de propagande (Jeux européens dAnghélos Lambrou en 1970) à destination de létranger afin de redorer limage du pays. Le film insistait sur le lien avec la culture antique (comme toutes les dictatures précédentes, principalement celle de Metaxás) et sur les valeurs positives du sport. Un autre genre de films fut autorisé (toléré ?) par la dictature car il véhiculait finalement les valeurs de virilité et de domination masculine : les films érotiques triompha Kóstas Gouzgoúnis, comme Sexe13 Beaufort ! de 1971. Dans ces films, les femmes sont représentées soumises et celles qui ont une sexualité qualifiable de « pécheresse » finissent toujours très mal. Donc, les valeurs de la « Famille et de lÉglise » restaient malgré tout défendues[28],[42],[43]. Ces films érotiques connaissent dans les années 2000 un succès vidéo et DVD, avec un côté culte et kitsch : un festival annuel à Athènes leur rend hommage[44].

Cependant, la dictature ne parvenait pas tout à fait (ou ses censeurs ne voulaient pas tout à fait) tout contrôler. Ainsi, il est possible de constater une évolution dans les champs sémantiques des titres des films : linjustice, la trahison, la fuite furent des thèmes beaucoup plus récurrents que pour les périodes antérieures : Injuste Malédiction dApostolos Tégopoulos en 1968 ou Abus de pouvoir de Stavros Tsiolis en 1971 ; Jai aimé un traître de Kostas Papanikopoulos et Pourquoi mastu trahi ? de Nikos Avraméas en 1969, Le Mouchard dIlias Machairas en 1970, Haute Trahison de Panos Glykofrydis en 1971 ; Le Petit Fugitif de Stavros Tsiolis en 1969 ou Le Déserteur de Christos Kéfalas en 1970. Les héros des films populaires étaient, au delà des gens modestes de lépoque précédente, choisis parmi les laisséspourcompte, les marginaux, voire les Tziganes, exclus des exclus. Enfin, les critiques postérieurs interprètent certains des films de lépoque comme des dénonciations indirectes du régime : la comédie de Yorgos Dizikirikis La Tour de Babel en 1971 est lue comme une parabole sur limpossibilité des Grecs à communiquer et se comprendre ; la métaphore est encore plus claire pour Marie du silence, histoire dune sourdemuette violée et mise au ban du village pour cette « faute »[45].

Le développement du cinéma dauteur sinscrivit dans le même ordre didée dune censure ne pouvant (ou ne voulant) tout contrôler, voire dune censure ne comprenant pas les enjeux des films auxquels elle avait affaire. Ainsi, les films de Théo Angelopoulos ne furent pas, ne purent pas, être interdits car leur langage cinématographique abstrait et symbolique dérouta les censeurs. La Reconstitution, son premier film en 1970, sappuie sur le mythe des Atrides (et principalement celui de Clytemnestre) pour montrer la destruction de la famille contemporaine par la misère qui pousse à lémigration. Jours de 36 de 1972 fait un parallèle évident entre les dictatures de Metaxás et celle des colonels, mais la forme fait que rien nest explicite, tout est en nondit. Les Fiançailles dAnna de Pantelís Voúlgaris en 1972 est lui aussi interprété, au delà de son aspect drame social, comme une métaphore de la dictature. Anna, bonne depuis dix ans dans une famille bourgeoise athénienne, rentre un soir au delà de lheure qui lui a été fixée pour son retour. Elle est alors, pour son propre bien, définitivement privée de sa liberté[28],[46].

Ces premiers films dits du « Nouveau Cinéma grec » furent accompagnés de deux créations décisives pour la suite de la production cinématographique. En 1969, la revue Synchronos kinimatografos, équivalent grec des Cahiers du cinéma, fut fondée. De même, la Société générale anonyme industrielle et commerciale dentreprises cinématographiques, filiale de la banque hellénique de développement industriel, créée par la dictature pour contrôler le cinéma, servit à le financer, même après la chute des colonels, en tant que Centre du cinéma grec. Celuici assure toujours le financement des films du pays[43].

Nouveau Cinéma grec

En 1977, la production était tombée à dixsept films, dont les deuxtiers issus du « Nouveau Cinéma grec », et les entrées à 350 000 dans la région dAthènes ( se concentrait plus du quart de la population). Il y eut alors un sursaut avec vingtsix films en 1979 puis quarantesix en 1981, tandis que les entrées dans la région dAthènes remontaient autour de trois millions (loin des 20 millions de 1968). Ensuite, le public populaire se détourna définitivement du cinéma grec qui devint de plus en plus un cinéma dauteur soutenu quasiment exclusivement par le Centre du cinéma grec (le « Nouveau Cinéma grec »). En fait, les grands distributeurs des films américains de divertissement disposaient dun quasimonopole en Grèce à la fin de la dictature. Imposant les productions étrangères, ils amenèrent la quasidisparition du cinéma populaire grec et ne laissèrent que peu de place au cinéma intellectuel et engagé[37],[47]. Ainsi, la plupart des grands studios grecs disparurent, à limage de la Finos Film qui ferma ses portes en 1977. Les autres, pour survivre, se diversifièrent : en plus de quelques films de cinéma, ils produisirent des téléfilms, des documentaires et des publicités[48].

Le Nouveau Cinéma grec se distingue du cinéma traditionnel sur plusieurs plans : production dabord, style et scénario ensuite, public visé enfin[49]. Lopposition entre les deux cinémas se fit très dure après la chute des colonels principalement au cours des festivals de Thessalonique, avec même une rupture franche en 1977 deux festivals concurrents se tinrent[50]. La première et principale différence entre les deux cinémas se faisait au niveau de la production. Les nouveaux réalisateurs refusaient les circuits traditionnels, commerciaux et finalement industriels de la production. La Finos Film incarnait ce qui était rejeté : la production standardisée en série. Afin dy échapper, les réalisateurs semparèrent donc de la production. Ils sautofinancèrent ou empruntèrent à leurs proches et amis ou à des producteurs nonprofessionnels (hors de lindustrie cinématographique). Le but était dacquérir une entière liberté créatrice, tant au niveau du style, de la forme que des thèmes et du discours politique. La critique (produite souvent par les réalisateurs euxmêmes dans les revues littéraires et dans Σύγχρονο κινηματογράφος (Synchronos kinimatografos)) entourant cette création était militante et virulente, souvent imprégnée didéologie marxiste, mais aussi de psychanalyse et de sémiologie. Les films sadressaient au public considéré comme capable de les comprendre : la jeunesse urbaine, éduquée et politisée. Les formes traditionnelles de narration, considérées comme bourgeoises, seffacèrent avec principalement un déclin du dialogue remplacé par limage. Le temps des acteurs stars finit alors pour laisser la place à celui des réalisateurs vedettes, Theo Angelopoulos en tête[49].

COSTAS GAVRAS

Lhistoire difficile de la Grèce servait darrièreplan aux discours politiques et sociaux du Nouveau Cinéma grec. Byron, ballade pour un démon (1992), Bordelo (1984) et 1922 (1978), tous trois de Níkos Koúndouros sont de grandes fresques historiques utilisant la guerre dindépendance grecque, la révolte crétoise de 18971898 ou le désastre dAsie mineure. Ce dernier sert aussi darrièreplan au Rebétiko de Costas Ferris en 1983. Plus à droite que la droite de Nikos Andonakos en 1989 propose une analyse marxiste du phénomène dictatorial tandis que Le Dernier Pari, la même année par Kostas Zyrinis, évoque les déchirements et trahisons au sein du mouvement communiste en racontant lhistoire dun militant de base. Les Années de pierre de Pantelís Voúlgaris en 1985 évoque autant la persécution des communistes après la guerre civile que lhistoire dun couple de militants[51]. Les thèmes politiques et sociaux ainsi que les nouvelles façons de filmer nourrirent une importante production documentaire. Ainsi, Modelo de Kostas Sfikas mais aussi Mégara (Yorgos Tsemberopoulos et Sakis Maniatis) ou Gazoros, Serres (Takis Hatzopoulos) triomphèrent au festival de Thessalonique en 1974. La même année, Nikos Koundouros évoquait la dictature à travers les chansons de la résistance dans Les Chants du feu, tandis que dans Attila 74, Cacoyannis racontait sa version de lattaque turque sur son île natale Chypre[N 4]. Les Femmes aujourdhui (Popi Alkouli), Le Combat des aveugles (Mary Papaliou) et Paideia (Yannis Typaldos) collectionnèrent les récompenses au contrefestival de Thessalonique en 1977. Fotos Lambrinos (Áris Velouchiótis, 1981) ou Lefteris Xanthopoulos (Bon Retour au pays, camarades, 1986) se penchèrent sur la guerre civile grecque et ses conséquences[52]. On retrouvait dans le Nouveau Cinéma grec la thématique particulière initiée par Cacoyannis dans son Stélla : la rencontre (volontaire ou non de la part de ces auteurs) de la culture antique (utilisation des œuvres ellesmêmes, des mythes actualisés, dun chœur, etc.) et de la culture populaire (mythes folkloriques, religion orthodoxe, danses ou musiques traditionnelles). Angelos de Yorgos Katakouzinos en 1982 raconte linéluctable destin tragique dun homosexuel. Prométhée à la deuxième personne (Ferris, 1975), Iphigénie (Cacoyannis, 1977), Oh Babylone (Ferris, 1987), Deux Soleils dans le ciel (Stamboulopoulos, 1991) ou La Voûte céleste (Aristopoulos, 1993) reprirent soit directement les tragédies, soit indirectement les thèmes (Œdipe ou les bacchantes) en les intégrant ou les confrontant au christianisme orthodoxe. Dans Quand les Grecs (1981), Lakis Papastathis, considéré comme le maître du genre, évoque les klephtes et les combats pour la construction nationale des XIXe et XXe siècles sur fond de paysages marqués par les souvenirs antiques et il emprunte à toute la tradition littéraire et artistique, allant jusquà intégrer dans son film des scènes tirées du Maria Pentayotissa des années 1920[53]. Un autre grand thème du Nouveau Cinéma grec était la description dune crise existentielle individuelle, métonymie de la crise de la société en général. Psychanalyse et archétypes étaient alors utilisés : création et folie dans Deux Lunes en août de Costas Ferris (1978) ou À lOmbre de la peur de Yorgos Karipidis (1988) ; renaissance par un retour aux origines : Alceste de Tonis Lykouressis (1986), Ville natale de Takis Papayannidis (1987) ou Invincibles Amants de Stavros Tsiolis (1988) ; enfermement volontaire ou imposé : Une aussi longue absence de Tsiolis (1985) ou Les Enfants de Cronos de Yorgos Korras (1985) ; sexualité et érotisme : Les Chemins de lamour se perdent dans la nuit (1981) et Les Années de la grande chaleur (1991) de Frieda Liappa, Les Nuits de cristal de Tónia Marketáki (1991) ou Déserteurs de Yorgos Korras et Christos Voupouras (1988) ; enfin résignation devant les rêves brisés comme dans Lefteris de Periklis Hoursoglou en 1993[54].

Maríka Nínou, la chanteuse dont la vie a inspiré le film Rebétiko.

Le Nouveau Cinéma grec triompha à la fin des années 1970 et au début des années 1980, avec en tête Le Voyage des comédiens (1975) et Alexandre le Grand (1980) dAngelopoulos, Les Fainéants de la vallée fertile de Nikos Panayotopoulos en 1978, Rebétiko de Costas Ferris en 1983 ou La Descente des neuf de Christos Siopachas lannée suivante. Une quarantaine de films grecs obtinrent alors des prix dans les plus grands festivals internationaux de cinéma[49]. Cependant, le Nouveau Cinéma grec atteignait en même temps ses limites tant au niveau de son financement que de sa diffusion en salles et à la télévision. Les transformations radicales dans lorganisation de la production navaient pas connu leur équivalent dans la distribution. Celleci resta aux mains des grands groupes qui continuèrent à projeter les films américains. De même, les films grecs ne se vendaient pas à létranger, principalement à cause de la langue. Le triomphe dans les festivals ne saccompagnait pas de sorties massives en salles. Enfin, le public grec nétait pas non plus au rendezvous à la télévision à laquelle le Nouveau Cinéma grec avait très peu accès. En 1980, le Nouveau Cinéma grec arrivait en bout de course, nayant plus aucune source suffisante de financement. Le Centre du cinéma grec, plus ou moins en sommeil depuis 1975, fut réactivé. Il participa alors activement à la production de films, à hauteur de 20 à 70 %. De 1981 à 1996, il finança ainsi près de 150 longsmétrages et 200 courtsmétrages. Durant cette période, sur les 35,5 millions de dollars qui lui furent versés par lÉtat, le Centre en utilisa 24 millions en financement direct des films[48],[55]. La télévision, contrairement à ce qui se passait à la même époque en GrandeBretagne ou en France, participa très peu au financement du cinéma. Jusquen 1989, les deux seules chaînes, publiques, aidaient indirectement le cinéma en proposant aux réalisateurs et acteurs des séries de qualité, souvent adaptées dœuvres littéraires comme Le Christ recrucifié de Níkos Kazantzákis par Vasílis Georgiádis (1975) ou Cités à la dérive de Stratis Tsirkas réalisé par Robert Manthoulis (1984). Elle commanda aussi aux jeunes réalisateurs des documentaires, leur permettant de faire leur apprentissage. Les chaînes privées après 1989 ne sintéressèrent pas au cinéma. Une loi de 1993 dut les rappeler à leurs obligations de soutien à la production cinématographique. Depuis, une partie du financement vient de la télévision et les réalisateurs font souvent des carrières parallèles sur les grands et petits écrans, voire dans la publicité[56].

En réponse à la difficulté de création et de diffusion, certains réalisateurs ont abandonné les recherches formelles et stylistiques du cinéma expérimental pour revenir aux formes traditionnelles de narration. Les thèmes politiques et sociaux étaient toujours présents, mais dans le cadre dune structure reconnue et reconnaissable. Ainsi, en 1984, Tonia Marketaki adapta Pour lHonneur et largent, un roman de Konstantinos Theotokis, classique de la littérature. Elle fit du film en costumes Le Prix de lamour un drame social féministe. Sous la forme de comédies satiriques, Níkos Perákis soulevait aussi des questions politiques et sociales (coup dÉtat des colonels dans Planque et camouflage, 1984 ou écoutes clandestines dans Vivre dangereusement en 1987). Passage souterrain dApostolos Doxiadis en 1983 est un thriller politique[51].

Production après 1990

Au milieu des années 1990, le constat était sévère : le cinéma grec était en crise. Le marché était saturé (80 % des entrées) par le cinéma américain qui avait même réussi à évincer les cinéma français et italien qui jusque avaient résisté. La douzaine annuelle de films grecs nexistaient que grâce aux subventions directes mais insuffisantes de lÉtat ou de lUnion européenne. Le temps des producteurs individuels des grandes heures du Nouveau Cinéma grec étaient passées (pas davances sur recettes ou prêts bancaires sur fonds de garantie). Les films grecs, considérés comme trop intellectuels, trop lents, sans action ni histoire, et donc ennuyeux, ne rencontraient pas le public. Cependant, les réalisateurs étaient aussi considérés par les critiques comme responsables de cette situation, se complaisant au sein de leur élite fermée et autocongratulatrice[57]

Dans les deux dernières décennies du XXe siècle et dans les premières années du XXIe siècle, une autre réponse de certains producteursréalisateurs du Nouveau Cinéma grec face à labsence de débouchés publics fut de recommencer à réaliser des films semblables à ceux des années 19501960, celles de lapogée. Laspect critique sociale restait, mais dans le cadre de comédies satiriques, voire de farces pouvant cependant aller jusquà la contestation. Les grands acteurs de lâge dor continuaient donc à tourner, comme Thanassis Vengos (La Fosse, elle est  ? en 1978, LÉlève chauve en 1979 ou Thanassis, serretoi la ceinture de 1980)[55],[58]. Cependant, les héros des années 1960 (jeune employé méritant, provincial débrouillard, etc.) avaient laissé la place à la figure emblématique des années 19801990 : le quadragénaire nouveau riche. Le succès public ne fut pas au rendezvous de ces films trop simplistes pour rendre la réalité de la société grecque. Ils noffraient pas non plus de choses très différentes des multiples séries télévisées grecques. Par contre, Safe Sex (2000) qui traite sur un ton comique les difficultés face au sexe et à la libération sexuelle de divers personnages issus des divers classes sociales grecques a rencontré un immense succès public (plus dun million dentrées), grâce à un scénario qui tente denglober la nouvelle complexité sociale du pays[58]. Le reste de la production, commerciale, a des titres éloquents : Une Femme de pope dans les bars à bouzouki ; Le Soutiengorge de mon papa ; Rocker de jour, femme de chambre la nuit ou Viens pour nous dénuder darling[59].

Renouveau ?

La fin des années 2000 marque larrivée de jeunes réalisateurs grecs qui récoltent plusieurs prix dans différents festivals. Il pourrait sagir de lapparition dun nouveau courant de cinéma dauteur, salué par la critique internationale[60] et par Theo Angelopoulos luimême[61]. Cette création nouvelle semble avoir réussi à concilier les exigences du cinéma dauteur avec le succès public, tant international que national[62]. Ainsi, Strélla de Pános H. Koútras a fait partie de la section Panorama au Festival de Berlin 2009. Sélectionné aux Oscars, Canine de Yórgos Lánthimos avait précédemment été présenté au Festival de Cannes 2009 il reçut le Prix Un certain regard. La comédienne Ariane Labed reçut le Prix dinterprétation féminine au Festival de Venise 2010 et au Festival Premiers plans 2011 pour son rôle dans Attenberg dAthináRachél Tsangári. Pour son troisième longmétrage (Alps), Yórgos Lánthimos fut sélectionné en compétition à la Mostra de Venise 2011 il reçut le Prix du Scénario[63].

Afin daccompagner ce mouvement, le Parlement grec a adopté, le 23 décembre 2010, la loi 3905/2010 relative au soutien et au développement de lart cinématographique. Son objectif est de soutenir financièrement les producteurs par le biais dune aide obligatoire délivrée par les opérateurs de télécommunications et dun investissement de lEllinikí Radiofonía Tileórasi et des chaînes privées dans la production. Par ailleurs, le statut du Centre du cinéma grec est modifié[64].

Thèmes et motifs

Tragédie antique

Adaptation directe de la tragédie au cinéma

Pendant longtemps, la tragédie antique ne fut pas mise en scène par le cinéma grec. Il semblerait quelle nait pas eu de public, pour diverses raisons. Le public populaire préférait les mélodrames ou les films en fustanelle, dabord facile, à des pièces appartenant au patrimoine intellectuel. Il semblerait que le caractère irrévocable dun destin tragique pour les personnages de ces pièces ait justement été ce que les spectateurs essayaient de fuir en allant au cinéma. Face aux difficultés sociales et politiques de lEntredeuxguerres, de loccupation allemande puis de la guerre civile, le public désirait voir des films qui, même sils étaient tragiques, finissaient bien, comme les mélodrames, afin de continuer à croire que leur destin et celui du pays nétaient pas irrévocables. Par ailleurs, laspect universel de la tragédie antique renvoyait à des situations contemporaines. Elle ne pouvait donc être acceptée, par la population dont les passions étaient mises en scène ou par le pouvoir, quand les personnages principaux, souvent hommes de pouvoir, étaient punis pour leur ubris[65].

Cependant, en 1927 Dimítrios Gaziádis réalisa Les Fêtes delphiques, une captation de la représentation du Prométhée enchaîné dEschyle mise en scène par Ángelos Sikelianós à Delphes. Deux ans plus tard, Dimitris Meravidis tourna un nouveau Prométhée enchaîné, dans le stade panathénaïque dans des décors trop visiblement en cartonpâte. De plus, les acteurs compensaient le caractère muet du film par une outrance des gestes. Ce ne fut que trente ans plus tard quun réalisateur grec tenta à nouveau laventure de ladaptation dune tragédie antique. LAntigone de Yórgos Tzavéllas en 1961, avec Irène Papas fut un échec public. Sa mise en scène, inspirée des principes de Max Reinhardt, très prisés alors dans le théâtre grec, donna un aspect outré, déclamatoire et didactique à son film, malgré un montage et une utilisation des décors de qualité. Par opposition, lÉlectre de Cacoyannis, lannée suivante et toujours avec Irène Papas rencontra le succès. Lutilisation des décors naturels et familiers aux spectateurs fut peutêtre une raison du succès. Cacoyannis poursuivit ensuite avec succès ses adaptations dEuripide, aussi bien en Grèce avec des acteurs grecs quaux ÉtatsUnis avec un casting international[66]. Le cinéma expérimental puisa dans le répertoire tragique, comme le Prométhée à la deuxième personne de Costas Ferris, transposition à lécran, mais transcendant la simple captation, des expérimentations théâtrales du Théâtre [67]. Le Nouveau Cinéma grec eut cependant plutôt tendance à reprendre et adapter les thèmes quà directement mettre en scène les tragédies grecques.

Reprise des thèmes et motifs de la tragédie antique

La reprise de thèmes et motifs de la tragédie antique fut longtemps aussi rare que lutilisation directe de la tragédie dans le cinéma grec[68]. Le premier véritable exemple fut le Stélla de Cacoyannis en 1955[22]. Les Horslaloi de Koúndouros en 1958 peut aussi être considéré comme ayant une dimension de tragédie antique. Les trois hommes sont en effet non seulement prédestinés, mais ils acceptent aussi leur destin en choisissant malgré tout denfreindre la loi, dêtre condamnés et donc de mourir[68]. Cependant, à linverse de la tragédie antique, le film évoque le destin collectif de la Grèce et non le simple destin individuel, transcendé[69].

Lenfant

THEO AGELLOPOULOS

La figure de lenfant dans le cinéma grec connaît deux périodes, comme le cinéma luimême, délimitée par la dictature des colonels. Dans la vingtaine dannées de lapogée de la production cinématographique (années 1950 et 1960), lenfant est souvent présenté comme une « victime sacrificielle » métaphore des tensions, sousjacentes et inavouées en raison de la situation politique autoritaire, de la société grecque. Les personnages denfant sont beaucoup plus présents dans les mélodrames (Maman, je veux que tu vives en 1957 ou La Douleur unit deux cœurs de 1965) et comédies dramatiques que dans les comédies. Il est alors orphelin obligé de travailler pour survivre : Le Petit Cireur (1963) ou Le Petit Marchand (1967) tous les deux de Maria Plyta. Sil ne lest pas, sa présence, bouche à nourrir supplémentaire, ajoute aux malheurs de sa famille. Les personnages denfant ont pour but de susciter lémotion : la petite fille mourant de faim dans La Fausse Livre dor (1955) de Yórgos Tzavéllas, les enfants noyés par la faute de la jalousie des adultes dans La Fille en noir (1956), le petit muet dans Fin de crédit (1958) tous deux de Michael Cacoyannis. Jusque pendant la dictature, la souffrance de lenfant est utilisée comme métaphore de la souffrance du pays. Le Lit de Takis Papayannidis (1972) est lu comme un parallèle entre loccupation allemande et le régime des colonels : un petit garçon récupère le lit de son voisin et ami, enfant juif déporté. Son hurlement silencieux est lu par les critiques comme une dénonciation de lhorreur du monde étouffant des adultes[70].

Après la dictature, la thématique change. La disparition du cinéma populaire remplacé par la télévision en est la première explication. Le développement du cinéma dauteur est cependant la principale raison. Le personnage de lenfant devient le porteparole voire lincarnation à lécran du cinéaste (parfois interprété par les enfants mêmes du réalisateur). Invincibles Amants (1988) de Stavros Tsiolis raconte le périple dun enfant de son orphelinat athénien à Tripolis, ville natale du réalisateur qui revient luimême à la réalisation après quinze ans sans tourner. Le jeune héros de 15 août de Constantin Giannaris (2001) passe son temps à filmer sa famille et le drame de la maladie de sa sœur. Dans Paysage dans le brouillard (1988) de Theo Angelopoulos, les enfants trouvent un bout de pellicule à la fin du film, comme sils sapprêtaient à passer dans un autre film, mise en abyme entre limagination de lenfant et celle du cinéaste[71]. En effet, pour réalisateur lenfance, en laquelle il place ses espoirs, est capable de recréer le monde[72].

Festivals

Festival international du film de Thessalonique

Le cinéma Olympion où se déroule le Festival international du film de Thessalonique.

 

Le festival international du film de Thessalonique, qui se tient à lautomne, fut fondé en 1960. Il sappelait alors « Semaine du cinéma grec ». Il devint en 1966 le « Festival du cinéma grec ». En 1992, il prit son nom définitif de « Festival international du film de Thessalonique » avec une section réservée au cinéma grec[73].

En 1960, le responsable de la cinémathèque de Thessalonique, Pavlos Zannas, réussit à atteindre son but : créer un festival dans la ville. La « Semaine du cinéma grec » se déroula au cours de la foire internationale en octobre. La loi L 4 208 de lannée suivante sur le financement du cinéma grec pérennisa la manifestation. Les nombreux prix (mise en scène, interprétation, techniques ou thématiques) saccompagnaient de sommes dargent suffisamment élevées pour permettre le financement dun nouveau long métrage. Cétait cependant à double tranchant : les prix étaient distribués par lÉtat qui ainsi orientait la production, surtout du temps de la dictature ; ils créaient aussi des tensions entre les cinéastes qui étaient ainsi financés et les autres, souvent ceux du cinéma dauteur. Les dotations financières disparurent dans les années 1980[24].

En 1966, Pavlos Zannas avait réussi à transformer la Semaine du cinéma grec, manifestation purement nationale en un festival international. La dictature des colonels mit fin à ses efforts : en 1967, le festival redevint national et Zannas fut emprisonné en 1968. Après une période de contrôle par la dictature (« triomphe » de Non en 1969), le festival devint un lieu dexpression de lopposition au régime. Ainsi, La Reconstitution (quatre récompenses au festival de 1970) marqua un premier tournant. Lors de lédition de 1972, le public commença à exprimer sa réprobation du régime. Les films victorieux (Les Fiançailles dAnna et Jours de 36) furent ainsi vus comme des critiques de la dictature. Les débats houleux lors du festival de 1973 précédèrent de quelques semaines les événements du 17 novembre. La politisation du festival se poursuivit lannée suivante, après la chute des colonels. Au nom de la démocratisation, la création dun « festival populaire » fut évoquée. Le climat resta tendu les deux années suivantes, pour aboutir à une scission en 1977. Cette année, deux festivals se tinrent en même temps dans la même ville : le festival officiel boycotté par les professionnels du cinéma et le contrefestival Vortex ou le Visage de la Méduse fut enfin projeté[50].

En 1986, la grande loi réorganisant le cinéma grec, à linitiative de la ministre de la Culture Melina Mercouri, restructura le festival. Cependant, lannée suivante, le public manifesta à nouveau son mécontentement, principalement contre le Centre du cinéma grec, producteur de tous les films du pays. Ses choix furent très contestés[74].

Autres festivals

En 1987, le festival du courtmétrage de Dráma, créé par la municipalité en 1978, prit une ampleur nationale grâce à sa reconnaissance par le ministère de la culture. Neuf ans plus tard, le festival, qui se tient en septembre, fut inclus dans le réseau culturel des villes de Grèce et reçut un financement étatique[74],[75]. En 1993, le festival méditerranéen des nouveaux réalisateurs de Larissa, qui se tient au printemps, fut créé avec le soutien de la télévision publique grecque[76]. Il est destiné aux réalisateurs de moins de trente ans qui viennent y présenter des courtsmétrages[77].

Depuis septembre 1995, le festival international du film dAthènes, dit Opening Nights, est organisé dans une demidouzaine de salles du centreville. Il propose en avantpremière les grands films de lhiver suivant ainsi quune rétrospective thématique. Par ailleurs, cinq prix sont remis au cours dune compétition regroupant une quinzaine de films (fiction, expérimental ou documentaire). Il attire en moyenne 50 000 personnes[78],[79]. LInstitut français dAthènes a mis sur pied en 2001 un festival du film francophone de Grèce qui se tient au printemps, dabord à Athènes puis à Thessalonique[80].

Annexes

Bibliographie

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(en) Stratos E. Constantinidis, « Greek Film and the National Interest: A Brief Preface », dans Journal of Modern Greek Studies, vol. 18, no 1, mai 2000
(fr) Michel Démopoulos (dir.), Le Cinéma grec, Paris, Centre Georges Pompidou, coll. « cinéma/pluriel », 1995, 263 p. (ISBN 2858508135)
(fr) Yannis Bacoyannopoulos, « Le nouveau cinéma grec en marche (1967-1995) », dans Michel Démopoulos, Le Cinéma grec, Paris, Centre Georges Pompidou, coll. « cinéma/pluriel », 1995 (ISBN 2858508135)
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Notes

  1. Le choix du grec démotique, dans un contexte de querelle linguistique montrait bien le caractère populaire du cinéma alors. (Constantinidis 2000, p. 5)
  2. Genre utilisé par Fenek Mikelides pour qualifier une production allant de la comédie de mœurs au drame social que la qualité esthétique ou narrative place à part de la production générale. (Fenek Mikelides 1995, p. 50)
  3. Le titre grec est plus ambigu : car Agnès signifie aussi « la pure ».
  4. Le nom de code de lattaque turque était Opération Attila.

Références

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