Communauté grecque des Alpes-Maritimes

Hippocrate versus Asclépios ? Médecine et guérison dans la Grèce antique à la période classique. vendredi 25 février2023

Une conférence de Benoit DERCY, agrégé de Lettres Classiques diplômé en archéologie grecque. Adjoint au responsable du développement culturel et des publics au musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye.

Vendredi 25 février  2023  à 20h00

Maison des Associations; 12 ter Place Garibaldi; 06000 Nice

Tout le monde connaît Hippocrate (460-375 ou 350 av. J.-C.), « père de la médecine » occidentale, et le serment qui porte son nom.

Mais quelles sont les innovations apportées à la fin du Ve siècle et dans la première moitié du IVe siècle avant J.-C. par ce médecin et ses disciples ?

Sur quels principes et méthodes s’appuie la iatrikè technè, « l’art de la médecine » ? Entre-t-elle en concurrence directe avec les cultes rendus  à Asclépios ou à d’autres héros guérisseurs, dont les sanctuaires connaissent à la même période un véritable développement à Épidaure, Oropos ou Athènes ?

En prenant appui sur les textes, les inscriptions et les vestiges archéologiques, il s’agira de comprendre la complémentarité et l’interpénétration de ces deux approches à l’époque classique.

Hippocrate

Selon la plupart des historiens, Hippocrate est né en 459 avant Jésus Christ sur l’île grecque de Cos (Kos). Il fut un médecin réputé et un célèbre professeur de médecine.

D’autres renseignements biographiques sont apocryphes et sujets à caution. Soranos d’Ephèse, un gynécologue grec du IIe siècle fut le premier biographe d’Hippocrate et ses écrits sont la source des principales informations dont nous disposons sur sa personne. D’autres détails nous sont parvenus au travers des écrits d’Aristote, qui datent du IVe siècle av. J.-C., de la Souda du Xe siècle ap. J.-C et des ouvrages de Jean Tzétzès rédigés au 12e siècle ap. J.-C. Les deux fils d’Hippocrate, Thessalos et Draco, ainsi que son gendre, Polybe, ont été ses élèves. Selon Galien, un médecin grec d’une époque plus récente, Polybe est le vrai successeur d’Hippocrate. Source de confusion, Draco et Thessalos eurent tous deux un fils nommé Hippocrate.

Selon Soranos, Hippocrate a appris la médecine de son père et de son grand-père et a étudié d’autres domaines de la connaissance avec Démocrite et Gorgias. Hippocrate a probablement été formé par les Asclépiades de Cos, une confrérie de prêtres-médecins vénérant Asclépios, dieu grec de la médecine et a suivi l’enseignement d’Herodicus de Selymbria, un médecin thrace. La seule mention contemporaine d’Hippocrate figure dans le dialogue de Protagoras où Platon mentionne Hippocrate comme étant « Hippocrate de Cos, un membre des Asclépiades ». Il est mort probablement à Larissa à l’âge de 83 ou 90 ans, même si certains ont prétendu qu’il avait vécu jusqu’à plus de 100 ans. Il existe différentes versions sur les circonstances de sa mort.

Hippocrate a revendiqué le cerveau comme le lieu des pensées, des sensations, des perceptions et des comportements ...

Enfin Hippocrate vint, serait-on tenté d’écrire, si ce n’était historiquement inexact. Certes, celui qu’on a surnommé « le père de la médecine » a bien existé, d’environ 460 à environ 377 av. J.-C. Peut-être fils d’un prêtre d’Asclépios, il étudie avec Démocrite et Gorgias puis voyage à travers toute la Grèce et l’Asie Mineure, avant de se fixer à Cos, son île natale, et de commencer à y pratiquer la médecine. Mais tout n’est pas à inventer, loin de là. Avant Hippocrate, des prêtres médecins et des philosophes ont réfléchi à la médecine. Une nomenclature des maladies existait auparavant. Le rôle de la bile dans certaines de ces maladies fait déjà partie de la vieille médecine. La bile noire et la folie qui s’y rattache figurent dans le théâtre d’Aristophane, autant dire dans le domaine public.

Serment d’Hippocrate

Je jure par Apollon, médecin, par Esculape, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin que je remplirai, suivant mes forces et ma capacité, le serment et l’engagement suivant :
« Je mettrai mon maître de médecin au même rang que les auteurs de mes jours, je
partagerai avec lui mon avoir et, le cas échéant, je pourvoirai à ses besoins; je
tiendrai ses enfants pour des frères, et, s’ils désirent apprendre la médecine, je la
leur enseignerai sans salaire ni engagement. Je ferai part des préceptes, des leçons
orales et du reste de l’enseignement à mes fils, à ceux de mon maître et aux
disciples liés par engagement et un serment suivant la loi médicale, mais à nul
autre. Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes forces et
mon jugement, et je m’abstiendrai de tout mal et de toute injustice.

« Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande, ni ne prendrai
l’initiative d’une pareille suggestion; semblablement, je ne remettrai à aucune
femme un pessaire abortif, je passerai ma vie et j’exercerai mon art dans
l’innocence et la pureté. Je ne pratiquerai pas l’opération de la taille. Dans
quelque maison que j’entre, j’y entrerai pour l’utilité des malades, me préservant
de tout méfait volontaire et corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et
des garçons, libres ou esclaves. Quoi que je voie ou entende dans la société
pendant l’exercice ou même hors de l’exercice de ma profession, je tairai ce qui
n’a jamais besoin d’être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en
pareil cas.

« Si je remplis ce serment sans l’enfreindre, qu’il me soit donné de jouir
heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais des hommes; si je le
viole et que je me parjure, puissé-je avoir un sort contraire. »

Source : texte grec ancien, autour du 4 e siècle avant J.-C. Traduit par Émile Littré, 1819-1861

Όμνυμι Απόλλωνα ιητρόν και Ασκληπιόν και Υγείαν και Πανάκειαν και θεούς πάντας τε και πάσας, ίστορας ποιεύμενος, επιτελέα ποιήσειν κατά δύναμιν και κρίσιν εμήν όρκον τόνδε και ξυγγραφήν τήνδε.

Ηγήσεσθαι μεν τον διδάξαντά με την τέχνην ταύτην ίσα γενέτησιν εμοισι, και βίου κοινώνεσθαι, και χρεων χρηίζοντι μετάδοσιν ποιήσεσθαι, και γένος το εξ αυτού αδελφεοις ίσον επικρινέειν άρρεσι, και διδάξειν την τέχνην ταύτην, ήν χρηίζωσι μανθάνειν, άνευ μισθού και ξύγγραφης, παραγγελίης τε και ακροήσιος και της λοιπης απάσης μαθήσιος μετάδοσιν ποιήσεσθαι υιοισι τε εμοισι και τοισι του εμέ διδάξαντος και μαθηταισι συγγεγραμμένοις τε και ωρκισμένοις νόμω ιητρικω άλλω δέ ουδενί.

Διαιτήμασί τε χρήσομαι επ’ ωφελείη καμνόντων κάτα δύναμιν και κρίσιν εμήν, επί δηλήσει δε και αδικίη, είρξειν.

Ου δώσω δε ουδέ φάρμακον ουδενί αιτηθείς θανάσιμον, ουδέ υφηγήσομαι ξυμβουλίην τοιήνδε, ομοίως δε ουδέ γυναικί πεσσόν φθόριον δώσω.

Αγνως δε και οσίως διατηρήσω βίον εμόν και τέχνην την εμήν.

Ου τεμέω δε ουδέ μην λιθιωντας, εκχωρήσω δε εργάτησιν ανδράσι πρήξιος τησδε.

Ες οικίας δε οκόσας αν εσίω, εσελεύσομαι επ’ ωφελείη καμνόντων, εκτός εών πάσης αδικίης εκουσίης και φθορίης της τε άλλης και αφροδισίων έργων επί τε γυναικείων σωμάτων και ανδρείων, ελευθέρων τε και δούλων.

Α δ’ άν εν θεραπείη ή ίδω, ή ακούσω, ή και άνευ θεραπείης κατά βίον ανθρώπων, ά μή χρή ποτε εκλαλέεσθαι έξω, σιγήσομαι, άρρητα ηγευμενος ειναι τα τοιαυτα.

Ορκον μεν ουν μοι τόνδε επιτελέα ποιέοντι και μη ξυγχέοντι είη επαύρασθαι και βίου και τέχνης, δοξαζομένω παρά πασιν ανθρώποις ες τον αιεί χρόνον, παραβαίνοντι δε και επιορκέοντι, ταναντία τουτέων.

 Asclépios  

Dans la mythologie grecque, Asclépios (en grec ancien Ἀσκληπιός / Asklêpiós, en latin Æsculapius) est dans l’épopée homérique un héros thessalien puis, à l’époque classique, le dieu de la médecine. Fils d’Apollon, il meurt foudroyé par Zeus pour avoir ressuscité les morts, avant d’être placé dans le ciel sous la forme de la constellation du Serpentaire.

Il correspond à l’Esculape romain (de même étymologie) et à l’Imhotep égyptien. Son attribut principal est le bâton d’Asclépios, autour duquel s’enroule un serpent, aujourd’hui symbole de la médecine.

Son principal lieu de culte est situé à Épidaure, où il guérit les pélerins par incubation. Il est invoqué dans le serment d’Hippocrate aux côtés de son père Apollon et de ses filles Hygie et Panacée. Il est l’ancêtre mythique des Asclépiades, une dynastie de médecins exerçant à Cos et Cnide, dont Hippocrate est le plus illustre membre.

Asclépios est déjà mentionné par l’Iliade, où il est qualifié de « médecin irréprochable » et où l’on évoque des remèdes que le centaure Chiron lui a remis. Asclépios n’intervient pas personnellement, mais ses fils Machaon et Podalire prennent part à la guerre de Troie à la tête du contingent de Trikka en Thessalie.

Les légendes relatives à sa naissance sont assez confuses. Dans la version principale, Asclépios est le fils d’Apollon et de Coronis. Alors qu’elle est enceinte du dieu, elle trompe ce dernier avec le mortel Ischys. Apollon, maître de la divination, perçoit la vérité, qui lui est également rapportée par une corneille. Il envoie alors sa sœur, Artémis, pourfendre l’infidèle de ses flèches, mais pris de pitié pour l’enfant à naître, il arrache ce dernier du ventre de sa mère qui se consume sur le bûcher. Il porte le jeune Asclépios chez le centaure Chiron, qui l’élève et lui enseigne l’art de la guérison. Selon une autre version, Asclépios est le fils d’Apollon et d’Arsinoé, fille de Leucippe.

Asclépios meurt foudroyé par Zeus en colère. Son crime est d’avoir tenté de ressusciter les morts grâce à du sang de la Gorgone que lui a remis Athéna : le sang coulé du côté gauche est un poison violent, mais celui du côté droit est un remède merveilleux. L’Ériphyle, pièce perdue de Stésichore nomme comme ressuscités Lycurgue et Capanée, deux des Sept contre Thèbes ; Phérécyde mentionne « ceux qui meurent à Delphes », sans plus de précision ; Pindare se borne à mentionner qu’Asclépios accomplit cet exploit moyennant d’importants honoraires. Des auteurs tardifs citent également Hippolyte, fils de Thésée, Tyndare, Hyménée et Glaucos.

Furieux, Apollon massacre les Cyclopes. Zeus s’apprête à jeter Apollon dans le Tartare puis, sur l’intercession de Léto, condamne simplement le dieu à servir un mortel pendant un an ; ainsi Apollon se met-il au service d’Admète comme bouvier. Dans une autre tradition, Apollon se venge sur les fils des Cyclopes et non sur les Cyclopes eux-mêmes.

Se rendant compte par la suite du bien qu’Asclépios avait apporté aux hommes, Zeus le place parmi les étoiles sous la forme de la constellation du Serpentaire.

Des traditions tardives lui donnent pour épouse Épione ainsi que des filles : Hygie, Panacée, Acéso, Iaso (la Guérison) et Églé. Certaines traditions l’associent à la chasse du sanglier de Calydon et à l’expédition des Argonautes, mais dans l’ensemble Asclépios est absent des grands cycles mythologiques.

Pour aller plus loin: 

QUéTEL Claude,5.htm « La tradition hippocratique », dans : , Histoire de la folie. De l’Antiquité à nos jours, sous la direction de QUéTEL Claude. Paris, Tallandier, « Texto », 2012, p. 35-42. URL : https://www.cairn.info/histoire-de-la-folie–9782847349276-page-3

GALLOIS Laurent, « L’espérance dans la pensée d’Hippocrate », Laennec, 2005/1 (Tome 53), p. 22-32. DOI : 10.3917/lae.051.0022. URL : https://www.cairn.info/revue-laennec-2005-1-page-22.htm

MARONE Fulvio, « La clinique, d’Hippocrate à Lacan », L’en-je lacanien, 2012/2 (n° 19), p. 121-139. DOI : 10.3917/enje.019.0121. URL : https://www.cairn.info/revue-l-en-je-lacanien-2012-2-page-121.htm

POUGNET Richard, POUGNET Laurence, « À quoi sert le serment d’Hippocrate de nos jours ? Analyse à partir de la performativité du langage de John Austin », Droit, Santé et Société, 2018/5-6 (N° 5-6), p. 5-14. DOI : 10.3917/dsso.055.0005. URL : https://www.cairn.info/revue-droit-sante-et-societe-2018-5-page-5.htm

LES ECOLES DE COS ET DE CNIDE.LES ECOLES MODERNES.I. Oeuvres complètes d’Hippocrate, par M. Littré, 8 vol. in-8o, Paris 1839-1853. — II. Oeuvres choisies d’Hippocrate, par le Dr Ch. Daremberg, 1 vol. in-8o, 1855.

Sineux Pierre. À propos de l’Asclépieion de Messène : Asclépios poliade et guérisseur. In: Revue des Études Grecques, tome 110, Janvier-juin 1997. pp. 1-24. DOI : https://doi.org/10.3406/reg.1997.2709  www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1997_num_110_1_2709

PIGUET Émilie, « Les péans à Asclépios : innovations et continuités », Dialogues d’histoire ancienne, 2012/1 (38/1), p. 53-86. DOI : 10.3917/dha.381.0053. URL : https://www.cairn.info/revue-dialogues-d-histoire-ancienne-2012-1-page-53.htm