C’est avec tristesse et émotion que nous apprenons le décès du grand cinéaste grec Roviros Manthoulis, survenu hier, 21avril , à Paris.
Né en 1929 à Komotini (Thrace), Manthoulis a été, tout jeune, membre de l’Organisation de la Jeunesse pour l’Unité Panhellénique (ΕΠΟΝ), principale organisation de la jeunesse grecque contre l’Occupation, en 1943-1944. Après ses études en Sciences Politiques à Athènes, il a étudié le cinéma et le théâtre à l’université Syracuse de New York.
A son retour en Grèce, il a été un des pionniers du documentaire et il a tourné des films remarquables et désormais classiques, comme Ψηλα τα χέρια Χίτλερ (Haut les mains Hitler, 1963, un de premiers films du grand comédien grec Thanassis Veggos) et Πρόσωπο με Πρόσωπο (Face à Face, 1963, Prix de meilleure réalisation au Festival de Thessalonique), deux films éminemment politiques et acclamés par le public. Il a été invité de présenter ce dernier à l’ouverture du Festival du Cinéma Nouveau à Yerres le 21 avril 1967, date du coup d’état des colonels en Grèce, ce qui a bouleversé la vie de son auteur : en raison de ses déclarations contre la junte militaire, diffusées par les médias dans toute l’Europe, il a vu son passeport annulé et fut obligé de s’installer à Paris pour vivre et travailler.
Une période extrêmement créative commence alors. Le programme « A l’Affiche du Monde » de la télévision française lui permet de voyager aux quatre coins du monde (avec un passeport « apatride ») pour explorer les racines socio-politiques du spectacle, de la musique et de la chanson, et lui apporte le prix de la meilleure émission française en 1969. Un de moments phares de ce programme est la rencontre entre Mikis Theodorakis et Georges Moustaki en 1970, le compositeur apprenant au chanteur la musique de Είμαστε δυό, είμαστε τρείς (Nous sommes deux, nous sommes trois). Quelques années plus tard, il tourne à New York un de ses meilleurs films « Le blues entre les dents« , témoignage unique de l’origine des racines du blues et de la musique noire.
Après la chute de la dictature, il accepte en 1975 l’invitation du premier ministre Konstantinos Karamanlis à la direction artistique de la radiotélévision Nationale Grecque. Il modifie de fond en comble sa programmation en introduisant de nouvelles émissions (dont le « Théâtre du Lundi », qui atteint 90% de taux d’audience, des télé-séries européennes à la place des américaines) et en maintenant le célèbre Troisième programme du compositeur Manos Hatzidakis. De retour en France, il tourne en 1983-1986 un de ses plus grands succès : Cités à la dérive (adapté du roman homonyme de Stratis Tsirkas), une série de 8 épisodes qui a passé des dizaines de fois à la télévision française.
Citoyen actif, il est élu en 1991 président de la Communauté Hellénique de Paris, qu’il transforme en véritable centre culturel de l’hellénisme : bulletin d’information, club de cinéma, université populaire, et une multitude d’activités qui rassemblent la diaspora grecque et contribuent au rayonnement culturel de la Grèce. L’apothéose de cet « âge d’or » est la semaine de « La Grèce sur Seine » en 2001, en collaboration avec la Mairie de Paris, autour de l’oeuvre de plusieurs acteurs emblématiques de la vie culturelle grecque en France (Costa Gavras, Vassilis Alexakis, Yannis Kokkos, Angélique Ionatos, Pavlos, etc). Pour la première fois la Mairie de Paris invite une communauté de ressortissants étrangers et deux mille membres de cette communauté y passent une soirée inoubliable, commencée par un récital de la soprano Alexandra Papatziakou et du pianiste Yannis Vakarelis.
Créateur infatigable et inspiré, Manthoulis a continué à tourner de documentaires et de films uniques sur des moments clés de l’histoire de son pays (« La guerre civile grecque » et « La Junte des colonels », pour ARTE ou « Lilly’s story« , présenté au Festival de Venice en 2000) et à publier de livres, comme Le monde selon moi (Ο κόσμος κατ’εμέ) et Les metamorphoses de Venus (Οι μεταμορφωσεις της Αφροδίτης). Au total 117 films et 17 livres durant sa carrière prolifique, pour laquelle il a reçu l’hommage de l’Assemblée Nationale Grecque en 2016.
Une figure emblématique de l’hellénisme s’en est allée ; elle nous laisse en héritage son oeuvre et les souvenirs d’un homme de culture et d’érudition exceptionnelles.
Visitez le site https://manthoulis.wordpress.com/ Οι σελίδες αυτές δημιουργήθηκαν για να προβάλλουν το έργο του μεγάλου Έλληνα σκηνοθέτη Ροβήρου Μανθούλη και να αποτελέσουν σημείο αναφοράς για ερευνητές ή απλά φίλους του Ροβήρου και του κινηματογράφου.
«Filmer, c’est découvrir le monde entier»
Entretien avec Roviros Manthoulis, août 2016
Notre rencontre* avec Roviros Manthoulis dans un café à Exarcheia un après-midi de fin juillet à Athènes a duré plusieurs heures. Il était de passage à Athènes suite à des vacances et du travail dans les îles grecques. Malgré la canicule, il voulait répondre à toutes nos questions en rajoutant de nouveaux sujets, ce qui lui permettait de passer facilement de l’occupation allemande à ses films et de la guerre civile au gouvernement actuel et au parti de Syriza. Connu pour son engagement politique de gauche, il a répété plusieurs fois que nos identités se forgent très tôt dans la vie et ne changent depuis facilement, particulièrement si on a vécu une guerre civile : « Personne ne peut oublier ses morts » , c’est son affirmation pour les passions politiques qui persistent sans le reméde du temps.
Réalisateur, écrivain et poète Roviros Manthoulis est né en 1929 à Komotini mais a grandi à Athènes où il a fait des études de sciences politiques et a participé à la résistance grecque contre l’occupation allemande. En 1949, son premier recueil de poèmes « Marches » (Skalopatia) voit le jour. De 1949 jusqu’en 1953, il se trouve aux États-Unis où il suit des cours de théâtre et de cinéma. Dès son retour en Grèce, il tourne des films long- métrages et des documentaires, il travaille pour la radio publique dans les années ’50 et aussi pour la télévision publique dans la période après la dictature des colonels. Il a aussi enseigné aux écoles de cinéma.
Son premier long métrage est « Madame la maire » (I Kyria Dimarhos, 1960), mais c’est avec le film sur la Résistance « Haut les mains Hitler ! » (Psila ta heria Hitler, 1962) expression d’un humanisme populaire qu’il devient très connu. Son film « Face à Face » (Prosopo me Prosopo, 1966) primé au Festival de Thessalonique, marque un tournant par sa modernité et son style expérimental et fait son avant première française au festival de Hyères le 21 avril 1967, le jour où le coup d’Etat des colonels a eu lieu en Grèce. Par la suite Manthoulis restera en France comme réfugié politique. En ce qui concerne le pays qu’il ne quittera jamais (il vit toujours à Paris), il nous dit : « En France, ils m’ont donné une liberté totale, ils ont apprécié mon travail et et c’est pourquoi j’y suis resté ».
Au total, Manthoulis a fait plus de 120 films pour le cinéma et la télévision tournés aux Etats-Unis et dans plus de trente pays où il est allé aussi pour connaître le monde, comme il nous a dit.
Son film « Le Blues entre les dents » (1972), tourné dans les ghettos des noirs aux États-Unis lui a apporté un appui international. Le documentaire « La Guerre civile grecque » (1997) pour la télévision française a reçu des critiques dithyrambiques et reste toujours un film marquant pour cette période turbulente de l’histoire grecque. Le documentaire est d’ailleurs son grand amour, comme il nous confesse: « Je l’aime beaucoup, le documentaire sort de la poésie. Le documentaire, c’est le monde entier. »
Autres filmsà mentionner : « Mélina à Paris » (1968), « Mikis Theodorakis (1970), « Edith Piaf – Dix minutes de bonheur par jour » (1974), « La country music ou la nostalgie de Ouest » (1974), « La France des années ’30 » (1975) « Cuba: La Musique et la vie » (1979), « Berceuses qui réveillent » (1986), « La dictature des colonels grecs » (1998) etc. Son plus récent film est « Lily’s Story » tourné en 2002. Il a aussi publié plusieurs livres.
« Metteur en scène politiquement engagé » ou « bon conteur »? Quel titre à retenir?
Tous les artistes, à travers leurs œuvres, font de la politique. Même s’ils essaient de ne pas être politiques, ils n’arrivent pas à l’éviter. Mais les vrais artistes ne font pas des œuvres marquées par un «parti pris». Il arrive que leur activité soit politique sans pour autant préparer la révolution! Ce n’est pas le but. On est politique parce qu’on est « politis », cela veut dire on est citoyen. Je suis très ému de ce qui se passe dans le monde que ce soit personnel, amoureux, social, économique, politique, etc. Je n’en connais pas beaucoup d’artistes importants qui sont de droite. Cela on le sait, la droite le sait aussi. C’est pour cela que la droite souvent s’est adressée aux artistes de gauche, comme Constantin Karamanlis, par exemple. Je suis de gauche car je suis né politiquement de gauche. C’était la Résistance qui était de Gauche.. Les gens s’adressaient à la Résistance et ils découvraient que cette Résistance était de gauche. Ils ne s’adressaient pas à la gauche mais à la Résistance. Les jeunes voulaient faire de la Résistance, jouer à la Résistance si vous voulez. On avait douze –treize ans. C’est une sorte de baptême et puis on reste comme ça. D’autant plus qu’il y avait des idéaux. Moi, lorsqu’ ils me posent la question «pourquoi es-tu de gauche ? », je réponds, je suis devenu de gauche quand j’ai lu « Les Misérables » de Victor Hugo. Quand on lit ce livre, on ne peut plus être de droite, ça devient impossible. Quand je disais tout à l’heure que les artistes se sentent forcément de gauche même si ils ne le sont pas, même s’ils sont de droite, ils écrivent comme des gens de gauche, c’est comme ça parce qu’un artiste est toujours quelqu’un qui fait une critique par rapport à la société, envers la société, qui veut s’exprimer à travers sa critique. S’il est tout à fait d’accord avec ce qui se passe, il n’a pas de raison pour écrire. Le pire c’est d’être à gauche et passer à droite et de cesser d’écrire!
Être de gauche, c’est lié aussi à l’humanisme. Pourquoi il n’y a pas d’artistes de droite ? Est-ce que vous pouvez élaborer un peu ?
L’humanisme, c’est de penser plutôt aux faibles qu’aux forts. On l’appelle humanisme car on pense à l’homme et l’homme, dans la très grande majorité des cas, c’est quelqu’un qui souffre dans une société mal-faite. Il y a des riches, les puissants et puis il y a des pauvres qui n’arrivent jamais à avoir le pouvoir. Il y a eu deux grands moments humanistes dans le monde. Le premier, c’était la démocratie athénienne qui n’était pas appelée «démocratie» au départ, on parlait plutôt d’ « isonomie », d’ « isigorie ». On avait la liberté de parler, voire liberté totale de voter, de participer à la société, de voter pour les gens et être voté, être élu. Le deuxième était la Renaissance où le mot humanisme est d’ailleurs inventé. Et en fait, l’humanisme c’était la redécouverte de l’humanisme grec. Quand on dit «Renaissance», c’est la Grèce qui est renée. L’art devient plus réaliste qu’avant. Et plus anticlérical. C’est surtout avec l’humanisme occidental que les idées démocratiques, et l’esprit de résistance sont nés de nouveau.
Que retenez-vous des années de la résistance et de la Guerre civile, de tout ce qui s’est passé soixante ans avant. Tout cela est pour vous très lointain ou très proche encore ?
Moi, je n’étais pas vraiment dans la montagne où la guerre réelle se déroulait. J’étais à Athènes et adolescent encore. J’ai quitté la Grèce quand j’avais vingt ans pour faire des études aux États-Unis, après avoir fait des études en Grèce, en sciences po. A Athènes, pour ce qui concerne la guerre civile, on n’était pas des acteurs directement impliqués. D’ailleurs, il y avait un manque d’information. On ne savait pas ce qui se passait. Les mass- médias en Grèce ne parlaient pas de la guerre civile ou ils parlaient sans donner des détails, des vrais. Cela c’était le plus grand problème, pendant les années de l’Occupation, pendant les combats en décembre 1944 et pendant la guerre civile. Il y avait un blocage total, on ne pouvait pas avoir des informations fiables.
Pendant la guerre civile, il y avait des interdictions. Par exemple on ne pouvait pas se voir en groupe de plus de 5 personnes. J’ai été arrêté parce que j’étais le sixième, une fois. Et puis la situation ne cessait de se détériorer. Parce qu’il y avait des tortures terribles, des exécutions sommaires à Athènes, on ne voyait que ça. On ne pouvait pas faire grande chose, on pouvait juste faire circuler des tracts. Il y avait des gens qui voulaient partir pour aller dans la montagne, certains ont réussi à le faire, d’autres ont été arrêtés. C’était quelque chose de terrible parce qu’on ne savait pas ce qui se passait. Mais on l’a appris à la fin…
Est-ce qu’il y a des moments importants qui nous marquent à vie et qui restent entre nous aujourd’hui ?
Chaque jour, il y a des choses importantes, en France, en Grèce, partout. Il y a des élections par exemple, c’est un moment très important. Il y a un gouvernement de gauche actuellement en Grèce, ça c’est capital. Après la défaite de la gauche en Grèce suite à la guerre civile. La gauche était peut être majoritaire dans le pays à la Libération. J’ai eu plusieurs occasions de parler avec des personnalités politiques comme le chef historique de la gauche Leonidas Kyrkos et avec beaucoup d’autres qui affirmaient que la Gauche aurait peut-être 70% aux Elections. C’est compréhensible parce que c’était presque la seule force de résistance. Mais la Libération a été confisquée…
Si les gens étaient de gauche, ils n’étaient pas forcement communistes. Ils ne savaient même pas ce que c’était le communisme. Le problème à l’époque c’était de se débarrasser des Allemands ou des Bulgares ou des Italiens, nos trois occupants. Avec la Guerre froide, on entre dans une autre période, les gens sont surpris, bouleversés, ne savent pas ce qui se passe, avec qui il faut se ranger, s’allier, ça devient un très grand problème pour tout le monde. Est-ce-que la Gauche avait le droit de s’opposer aux Anglais ou non, de faire la guerre civile ou non, ça devient un énorme problème. Il y a des gens qui s’approprient plutôt une attitude neutre, dans une sphère qui n’est ni droite ni gauche. Donc tout cela ce sont les problèmes politiques de l’époque.
Aujourd’hui, j’ai l’impression que c’est l’EAM, le Front National de Libération, la Gauche de la Résistance qui est arrivée au pouvoir en Grèce. L’EAM qui n’est pas arrivé au pouvoir à son temps, il arrive maintenant!
Le parti communiste grec (KKE) ne serait pas d’accord avec vous.
Le parti communiste c’est un parti complètement idéologisé. Le parti communiste ne nous précise rien, si le parti communiste demain est au pouvoir qu’est ce qu’il va faire, il ne nous dit pas. On ne sait pas quel est son programme. Est-ce que c’est le programme de Lénin, de Staline, le programme chinois. Le parti communiste actuel est toujours « contre ». Il n’a jamais dit ah oui je suis d’accord avec ça même si c’est intéressant et important. Si une idée du parti communiste est exprimée tout d’un coup par quelqu’un d’autre, il y sera contre! C’est extraordinaire, mais c’est comme ça. Malheureusement. Nous avons un parti qui pourrait jouer un rôle important dans la vie politique.
D’ailleurs, être de gauche ca n’empêche pas de critiquer le gouvernement de gauche. J’ai déjà fais une critique du gouvernement actuel dans une page du journal du Parti (Avgi). Je pense que c’est ça le rôle du citoyen, de ne pas toujours applaudir. J’ai fait la même chose au Parlement, récemment, à l’occasion de la médaille qu’on m’a décernée. J’ai dit ce que je pensais des choses qu’il faut changer. Dans ce gouvernement actuel, il y a des choses qui sont bonnes et des choses moins bonnes. Des personnages qui sont au pouvoir et qui sont extraordinaires, d’autres qui ne le sont pas encore. On peut être un bon idéologue, un bon penseur politique sans avoir forcement les capacités de gouverner.
Quel est le rôle d’une télévision publique aujourd’hui, en Grèce par exemple. Est-ce qu’il est important d’avoir une télévision publique d’ailleurs ?
La télévision, comme l’école, comme l’armée, appartient à la nation et moi je dis toujours Télévision Nationale. Je ne dis ni publique, ni étatique. Mais comme il y a une politique pour le fonctionnement de l’armée et de l’éducation, il doit y avoir aussi pour les masses-médias nationaux. Pour ces chaînes nationales, il faut savoir quels programmes elles doivent avoir. Par exemple, des programmes éducatifs, culturels ou éventuellement des programmes d’information. Si c’est de l’information, elle doit être objective. Il y a aussi l’information pour la culture, comme on fait en France par exemple. Lorsque je dirigeais les Programmes de la ERT –la télévision nationale grecque -j’étais une fois dans une réunion très restreinte politiquement avec des chefs des partis qui m’ont posé la même question, combien de chaînes on doit en avoir. Et moi, pour avoir l’air assez résistant, j’ai dit «une seule suffit ». Pourquoi une ? Parce que je pense que la télévision est en réalité «l’éducation après l’éducation officielle ». La culture qu’on a à l’école n’est pas suffisante. La Télévision peut jouer le rôle d’une « Ecole de la vie». Et il ne faut pas avoir plus de 4 chaînes, hertziennes. L’idéal serait d’avoir deux de l’Etat et deux privées. En France, il y a 5 chaînes, trois de l’Etat et deux privées, hertziennes, et 150 qu’il faut payer pour regarder. Même ça c’est un peu excessif. Et il doit y avoir un Guide de Programmes à la fois pour les chaînes d’Etat et pour les chaînes commerciales. Comme en France.
Quels sont les rapports entre la littérature et le cinéma ou la télévision. Qu’est ce qu’est la chose la plus difficile pour un metteur en scène ?
Je dirais que rien n’est difficile, on peut tout faire. Il faut un peu d’imagination et un talent propre à chaque créateur. Une émission de télé cela peut être aussi une œuvre d’art. Il peut toujours reculer et trouver un moyen pour tout faire. On peut compter aussi à l’imagination du spectateur, ça se fait beaucoup à la poésie, avec un poème chacun crée ses propres images. Tous les arts sont liés à la poésie d’une certaine manière et le cinéma aussi. Il faut bien choisir les acteurs et bien les guider, c’est la plus grande préoccupation. L’autre c’est l’argent car quand on fait du cinéma, le cinéma est sujet à plusieurs actions, il y a à payer pas mal de gens, il y a une équipe, on ne peut pas tout faire seul au cinéma. C’est une affaire compliquée, pas forcément difficile, parce qu’il y a des choix et il faut que chaque choix soit bon, ce qui n’est pas toujours le cas, ça dépend du réalisateur, des moyens. Le public ne connait pas tous ces problèmes. En Grèce, le cinéma est plus difficile parce qu’il n’y pas assez d’argent. Et il n’y a pas assez d’argent parce qu’il n’y a pas assez de public.
Quels sont vos films préférés ?
On me pose souvent cette question et moi je dis toujours: «Ils sont tous mes enfants ! » En principe, dans tous les films d’un réalisateur on doit retrouver son identité. Moi, je cherche aussi l’identité de chaque peuple ou ethnie que je filme dans mon parcours en voyageant dans le monde. Mais en ce qui concerne l’identité du réalisateur : est-ce qu’il a une identité ou pas ? Quand on n’a pas d’identité, il n’y a pas de réalisation. Je crois que j’ai fait les films que j’ai voulu faire. Même si quand, parfois, on me commandait un film, j’essayais de faire mon propre film.
Voyant votre parcours, il y a la Grèce, les États- Unis et il y a la France. Quels sont les moments clés que vous gardez de ce parcours ?
Tous ces changements étaient plus ou moins forcés et ce n’était pas facile […] Ma famille se déplaçait avec moi. On était des exilés -nous aussi- et cela n’est jamais facile …
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Le cinéma grec: Robert Manthoulis, le cinéma de l’expatrié
Comme Manthoulis lui-même le pose, ‘il s’agit d’une époque et d’une situation personnelle, un film basé sur mon vécu et celui de mes amis. Ce n’est pas un document d’époque à 100%, puisque c’est avant tout une fiction, mais une fiction inspirée de la réalité […] C’est ça l’art, c’est ça son rôle. L’artiste prend les éléments, il les recompose et donne à voir un nouveau monde, le sien, qu’il propose de mettre à la place de celui qui est là.’
Robert Manthoulis : le cinéma de l’exil
“L’artiste prend les éléments, il les recompose et donne à voir un nouveau monde, le sien, qu’il propose de mettre à la place de celui qui est là.”
i-GR : En 1971, Melina Mercouri déclarait à Rome qu’elle participerait dans un film portant le titre « L’histoire de Lili » consacrée à la Résistance grecque dont vous alliez assurer la mise en scène avec un financement de Jules Dassin. Pourquoi a-t-il fallu 30 ans pour tourner ce film ?
Roviros Mantoulis : Il ne s’agit pas du même film. En effet, « en 1971, il était question de tourner un film avec le titre « Lili’s story. Ce n’est pas Jules Dassin qui la financerait mais il serait le producteur exécutif, avec le sens américain du terme. Le financement était assuré par ABC productions, une des sociétés d’Hollywood à cette époque. Nous avions écrit le scénario de ce film avec Georges Sevastikopoulos dans les studios de Boulogne où à l’époque Jules Dassin tournait un film. Finalement le film n’a pas réussi à se faire parce que ABC Productions a été dissoute. Ensuite, nous devrions le tourner en Roumanie, mais Ceaucescu a refusé parce qu’il avait signé un accord avec la junte des colonels en Grèce. Ainsi il n’a jamais été tourné. Aujourd’hui, ça n’aurait aucun sens de tourner le même scénario puisque son propos était de montrer la situation telle qu’elle se présentait à l’époque en Grèce. Cette situation n’existe plus maintenant. Le nouveau film qui porte le même titre, constitue les coulisses de l’ancien. C’est à dire qu’une partie traite du comment devait s’écrire le scénario et se tourner le premier film. C’est un film sur la fabrication d’un film inspiré de l’histoire d’une fille que nous avons appelé Lili et qui a vécu divers choses dans les bureaux de la Sécurité (services secrets de la Junte, ndlr), subi des tortures, fait des recours au Conseil de l’Europe, etc., et en parallèle il y a la vie des gens qui se sont occupé de toutes ces choses. Les coulisses du film et l’histoire personnelle des exilés politiques, amis et autres, sont le sujet du nouveau film. L’homme vie diverses situations et, plus la vie est dure, plus ces situations deviennent drôles. Cette partie dramatique, autant que la partie humoristique sont le sujet de mon nouveau film.
i-GR : Vous êtes un cinéaste engagé. Croyez-vous qu’un tel film peut aujourd’hui trouver sa place dans le cadre dessiné par un cinéma international dominé par les films commerciaux américains ?
R. M. : Je n’emploierai pas le mot engagé avec le sens de l’art cinématographique engagé, celui qui se met au service d’une idéologie. Je n’ai jamais été engagé dans ce sens. Simplement, souvent, les sujets qui me préoccupent depuis que je fais du cinéma, avaient toujours une valeur historique et un poids important, au moins en ce qui concerne l’espace grec. Parce que nous avons toute une série de tragédies que le peuple grec a vécues : la dictature de Metaxas, l’Occupation, la guerre civile, la dictature. Pour moi, puisque j’ai vécu tout cela, ce sont des sujets qui me poursuivent, comme tous ceux qui sont de ma génération. Et bien entendu ils se retrouvent dans les films que je fais. En Grèce, par exemple, j’avais fait un film qui s’appelait « Haut les mains, Hitler ! » qui traitait de l’occupation. Le « Vis à vis » traitait des événements de Juillet et de ce que nous préparait la junte. Ensuite, dans les documentaires que j’ai faits, je me suis occupé de manière encore plus sérieuse des aspects historiques. Mais à chaque fois, je prends les choses avec humour, sauf peut-être pour certains documentaires qui ne sont pas nécessairement humoristiques.
i-GR : Et votre nouveau film ?
R. M. : Le nouveau film est humoristique, mais aussi sentimental. Beaucoup pleurent en sortant, après avoir bien rit durant la projection. Il s’agit d’une époque et d’une situation personnelle, un film basé sur mon vécu et celui de mes amis. Ce n’est pas un document d’époque à 100%, puisque c’est avant tout une fiction, mais une fiction inspirée de la réalité. Des choses graves peuvent aussi être vues d’un autre point de vue, sans qu’on cherche forcement « à vendre » une idéologie au public. Je cherche seulement à faire réfléchir le public sur ces choses. C’est ma manière de travailler au cinéma, que ce soit avec la fiction ou avec les documentaires. Je travaille de sorte qu’il ay ait toujours une fenêtre pour que le spectateur découvre les choses sans que j’ai à tout lui dire, de sorte qu’il voit par lui-même, qu’il juge par lui-même, qu’il apprenne, qu’il pénètre aux points les plus obscurs, aux plus inconnus. Un film engagé est un film qui sert un but précis. La première version de « Lili’s story » devait être un film engagé dans la lutte contre la dictature. Mais la version d’aujourd’hui n’est pas un film engagé.
i-GR : Le film était présent à la compétition de la Monstra de Venise dans la catégorie Contrerento, qui veut dire à contre-courant. Croyez-vous que le titre de cette section résume l’essentiel de votre parcours artistique, mais aussi sur un plan personnel ?
R. M. : Oui, au début j’ai été surpris de voir qu’à la Monstra cette année, il y avait une telle section, mais finalement cela m’a plu que mon film soit dans cette catégorie. Parce que mes films ont toujours été considérés anti-commerciaux. Mais curieusement, elles plaisaient toujours au public et les entrées étaient satisfaisantes ; à condition, bien entendu, qu’ils ne soient pas interdits, comme ce fut le cas de « Vis à vis », interdit durant les sept ans de la junte. Disons que quand j’ai commencé le cinéma, je suis entré par la grande porte. J’ai commencé tout de suite par une grande production commerciale. Parce que je croyais que c’était la meilleure manière. Tu apprends à faire des films quand tu les tournes. Tu peux apprendre des choses à l’école, mais si tu ne tournes pas, tu ne connais rien.
i-GR : Pourtant, vous-même, vous avez enseigné le cinéma avant de le pratiquer.
R. M. : C’est en effet, un peu curieux. Quand après mes études aux Etats-Unis je suis rentré en Grèce, je m’intéressais au documentaire, je voulais faire des films à partir d’archives. Mais ils m’ont tous déçu. On m’a dit « Oublie ça ». J’ai vu ce qui se passait autour de moi, le cinéma qui se faisait et je me suis dit que je pouvais aider en apportant ce que je connaissais, ce que j’avais appris. C’était un acte citoyen. Mais il a aussi autre chose. Quand tu enseignes, tu apprends. J’ai commencé à enseigner en 1957 et j’ai tourné mon premier film en 1958, un documentaire sur l’île de Lefkada. Ensuite, j’ai eu la chance qu’on me propose de faire un film avec Avlonitis, Vassileiadou, Kourkoulos, Kazantzidis et Marinella. Un grand film avec beaucoup de succès qu’on peut encore voir aujourd’hui. J’ai enchainé avec « la Famille Papadopoulos », qui était aussi une production importante avec des firmes reconnues, avec Makris et Iliopoulos ; c’était un film plus social, avec une analyse plus intéressante. Avec le troisième film j’ai fait un pas de plus vers mes intérêts personnels, et j’ai réalisé « Haut les mains, Hitler! ». Et, le film suivant était encore plus personnel. On peut dire que la j’étais à contre-courant. Depuis, quoi que je fasse, je suis à contre-courant. Pas parce que je veux être à contre-courant, mais parce que ce que je fais, la manière dont j’écris le scénario, la mise en scène, le film dans son ensemble, ne ressemblent pas aux films classiques commerciaux ou pas. J’ai toujours, si vous voulez, quelque chose de plus poétique, quelque chose qui n’est pas très habituel. Poésie signifie qu’une œuvre peut ne pas avoir la forme qu’attend le spectateur. Que le spectateur peut être surpris !
i-GR : En 1966, « Vis-à-vis » obtient le Prix de la mise en scène au Festival de Thessalonique. Pour l’époque c’était un film prémonitoire des événements qui allaient suivre en 1967 et il devient la raison de votre exil en France. Comment avez-vous vécu et exil ?
R. M. : On peut avoir un aperçu avec « Lili’s story ». Après la récompense de Thessalonique « Vis-à-vis » a été sélectionné à participer à divers festivals européens, dont celui de Hyères où il était programmé en ouverture un 21 avril 1967, le jour même du coup d’Etat en Grèce ! Je me suis trouvé face à des dizaines de journalistes et naturellement j’ai pris position sur ce qui se passait en Grèce ; après quoi je ne pouvais plus retourner en Grèce. Si je rentrais, je me trouverais à Yaros (tristement célèbre lieu de regroupement des opposants, ndlr). Le premier problème que rencontre quelqu’un dans des telles circonstances est celui du déracinement. Parce que tu n’est pas seul ; c’est toute une famille qui se trouve déracinée. Ensuite, c’est le fait que tu ne saches pas quand est ce que tu pourras retourner. A la fin, tu t’installes ailleurs et tu en fais une nouvelle patrie. Puis, comment survivre ? Tu quittes la Grèce où tu as commencé une carrière, un parcours et tu te trouves inconnu à l’étranger. Tu recommences à zéro. Moi, j’avais la chance de ce film qui m’a servit de passeport, qui m’a ouvert quelques portes. J’ai eu des propositions pour travailler à la télévision française ; c’est ainsi que de Genève où je m’étais installé au début, je suis arrivé à Paris. Pas seulement parce que j’avais immédiatement du travail, mais aussi parce que c’était un lieu qui m’intéressait. Mais je peux témoigner que cette possibilité n’était pas donnée à beaucoup de monde. Parce que des exilés, il y en avait des milliers dans différentes villes de l’Europe, mais peu nombreux étaient ceux qui ont pu travailler de suite. Mais la vie continue et elle a ses propres dimensions. Chaque jour amène son côté positif, son côté négatif, tantôt tragique, tantôt comique. Tenez, dans cette pièce, on a fait la fête à cinquante ! Il y a une réaction aux moments difficiles qui t’amène à survivre, à faire la fête. C’est cet élément qu’on trouve chez tous les peuples, mais plus particulièrement chez les Grecs. Ce qui fait boire les Crétois et faire la fête lors des enterrements. C’est comme une bravoure contre la mort.
i-GR : Vous avez réalisé plusieurs documentaires, pour la télévision française, dont un sur le blues et les ghettos noirs. Qu’est ce que l’art pour vous ? Un témoignage, une interprétation de la réalité ?
R. M. : L’art a deux faces. La première, c’est quand tu utilises les éléments-même de la réalité qui, quelques fois, sont si importants qui dépassent tout ce que l’on peut imaginer ou construire. Dans le cinéma, on rencontre parfois ces éléments qui « vous arrêtent », qui vous font dire « comment est-ce possible ! » L’autre face, c’est quand tu recomposes ces éléments. Par exemple, un poète, quand il écrit, il ne fait pas un reportage sur ce qu’il observe. Il épure, dans son monde à lui, il essaie de trouver des intersections universelles, il recompose les objets, les situations, les visages… C’est pareil avec le cinéma. C’est ça l’art, c’est ça son rôle. L’artiste prend les éléments, il les recompose et donne à voir un nouveau monde, le sien, qu’il propose de mettre à la place de celui qui est là. Le fait que cela ne se produise pas c’est une autre affaire. L’artiste ne prend pas la place de l’autre, mais seulement la conscience de chaque spectateur. C’est ainsi qu’on vit en ayant vu Picasso, en ayant lu Eliot ou Eschyle. Et, grâce à eux, on peut voir le monde tel qu’il est. Cette relation, la confrontation entre l’art et la réalité, c’est l’Art.
i-GR : Vous faites partie de ces artistes qui ont vécu et créé à l’étranger. En même temps, on dit que « la Grèce mange ses enfants ».
R. M. : Je crois effectivement que la Grèce détruit ses enfants. Cela ne vaut pas seulement pour aujourd’hui. C’était ainsi aussi dans l’antiquité. Ce n’est pas par hasard qu’on trouve ces images dans la mythologie. Tous les Grecs éponymes ont subi des persécutions. Et dans notre époque moderne, chaque fois que la situation est difficile en Grèce, les Grecs s’en vont. Bien sûr auparavant pour des raisons économiques, mais il y en a beaucoup qui sont partis pour des raisons politiques, pace que la société les chassait. Un Grec ne supporte pas facilement un autre Grec quant il est en désaccord avec lui. Peut-être, qu’après la mort, ils leur feront une statue ; peut-être, qu’ils les reconnaîtront quand ils seront déjà mondialement célèbres. Comme avec Mitropoulos, un grand maestro. Je l’ai connu quand j’étais en Amérique et nous avions discuté longuement de ces sujets. Il était parti de la Grèce parce que celui qui était le Capitaine-Un dans les affaires musicales ne le laissait pas avancer. Le problème à chaque fois c’était qu’une petite minorité chasse les autres. Un petit microcosme qui vivait accolé au pouvoir et vivait de celui-ci. Plutôt que de perdre sa place, il s’enfichait si les autres pouvaient être pourchassés, assassinés, exilés. De l’autre côté, il existe une petite jalousie, pas seulement en Grèce mais aussi entre Grecs qui vivent à l’étranger.
i-GR : En 1975, le gouvernement Karamanlis vous appelle pour entreprendre la démilitarisation de la télévision grecque, comme directeur-adjoint de l’ERT. En 1977, vous démissionnez et retournez en France. En 1983, c’est Papandreou qui vous appelle comme directeur des programmes de ERT 2. Mais là encore, vous démissionnez au bout de deux ans…
R. M. : Le gouvernement Karamanlis avait au départ proposé Kakogiannis, qui à son tour m’a fait la proposition. Eux, ils proposaient un contrat de 3 ans, mais moi je voulais aller pour seulement un an. Je ne voulais pas devenir « télécrate ». J’ai accepté sous deux conditions: la première, que la télévision devienne un organisme indépendant de l’Etat, et la deuxième que j’ai un mandat en blanc, sans dépendre du Premier Ministre, ni du Ministre, ni du Conseil d’Administration. Sur la première question, une loi avait été promulguée dans ce sens en novembre 1975. Mais sur la deuxième, je savais que ça ne pouvait pas durer. J’ai essayé donc de travailler rapidement, mais les conflits n’ont pas tarder à se faire jour. Et je suis parti. En 1981, Papandreou avait lu mon livre « L’Etat de la télévision » et m’a proposé le poste du directeur des programmes. C’est finalement Vassilikos qui a pris la place. Il m’a même téléphoné pour s’excuser. Mis vite, c’est devenu le foutoir. Vassilikos m’a appelé me disant que la télévision « ferme » et m’a prié de le rejoindre. J’ai accepté d’y aller pour seulement deux jours. En deux jours j’ai fait en sorte que ça remarche, j’ai séparé les responsabilités, bref, on m’appelait « docteur Manthoulis », le toubib. Puis, d’autres problèmes ont pris le dessus…
i-GR : Vingt ans après, quel regard portez-vous sur la télévision grecque d’aujourd’hui ? la télévision des « reality shows » et de la publicité ?
R. M. : Il n’y a pas longtemps, l’Union des employés de l’ERT (télévision publique, ndlr) a organisé une sorte de séminaire. On a appelé aussi quelques uns de l’étranger pour discuter des questions de télévision, de production, des programmes, etc. J’ai été surpris qu’à l’arrivée on me dise que le séminaire a été organisé sur la base de mon livre « L’Etat de la télévision ». Quand je l’avais écrit, je pensais que ce que je racontais serait périmé au bout d’une dizaine d’années. Parce que dans ce domaine, les choses avancent à grands pas. Mais ces pas n’ont pas eu lieu en Grèce, au contraire, on a reculé. Parce que, quand moi j’y étais et jusqu’à mon départ, de l’avis général, il y a eu une révolution ; mais d’un coup tout cela a disparu. D’abord, parce qu’il y a eu les émissions sauvages de la télévision privé. Sans autorisations, sans réglementation. Ensuite, ces canaux ont entraîné jusqu’à un certain point la télévision publique sur le terrain de la publicité et de l’audimat des programmes faciles, sans jamais penser le rôle négatif dans l’éducation du peuple grec et notamment des couches inférieures. Résultat, aujourd’hui, dans l’affaire du « 17 novembre » (démantèlement d’un groupe terroriste, ndlr), tous les Grecs sont devant leur poste, il n’y a plus rien d’autre. Mais tu ne vas pas à l’Ecole primaire pour faire un cours universitaire, ni à l’Université pour un cours de maternelle. Il faut qu’il y ait une progression, une montée en charge du sujet. En Grèce, ils ont tous, indépendamment de leur niveau éducatif, droit à des programmes de maternelle. Cela a formé un peuple qui ne devrait pas être celui qui est et cela se voit dans beaucoup de ses manifestations. Il s’agit là des dix millions des Grecs. Bien sûr il existe des individus, des groupes qui résistent ; qui, soit, ils refusent de regarder la télévision, soit, ils savent comment la regarder.
i-GR : Dans Cratyle de Platon, Socrate définissait l’homme comme un spectateur pensant. L’homme, dit-il, c’est celui qui pense sur ce qu’il voit. Téléspectateur citoyen ou téléspectateur client, quelles sont les conditions d’une télévision démocratique aujourd’hui ?
R. M. : La télévision doit considérer le téléspectateur comme citoyen tant qu’elle est un moyen de communication de masse. Ce n’est pas possible que chacun passe ce qui veut. On ne peut pas me considérer que je suis contre la liberté et que je suis pour la censure de ce que verra le spectateur ; même dans le commerce, il y a des services qui exercent un contrôle. Quand quelque chose passe sur les autoroutes de la communication, comme la télévision ou Internet, quelque part il faut un contrôle, pour qu’au moins nos goûts ne s’altèrent pas. La télévision, ce n’est pas comme le journal où tu te lèves pour aller l’acheter. Pas seulement parce que c’est mauvais pour les enfants. La société doit s’occuper de nos goûts. Périclès, dans son fameux Epitaphe, il raconte tout cela. J’ai peur que, vu la tendance actuelle, on aille vers une ghettoïsation où il ne subsistera que quelques îlots. Que, bientôt, l’on regardera la télévision comme les écologues avec les produits bio.
Propos recueillis par Elsa Papageorgiou Paris, Février 2003
“Lilly’s story” de Manthoulis à la Monstra de Venise
Le cinéaste greco-parisien Robert Manthoulis représentera la Grèce à la Monstra de Venise dans la section « Contre-courant » où il présentera Lilly’s Story. Une histoire avortée avec Melina (Mercouri) dans les années 70, qui aujourd’hui finit bien.
C’était au début des années 70 que Robert Manthoulis avait un projet avec Melina sur – sujet incontournable à l’époque – la dictature en Grèce. Le film n’a jamais été tourné, mais Manthoulis a remis de l’ordre dans ses souvenirs pour créer un scénario basé sur le vécu des exilés grecs à Paris fuyant la dictature des colonels. Amourettes et histoires comiques ou tragiques des intellectuels grecs, avec Lili, une résistante, en protagoniste, le tout raconté par le cinéaste.
Les rôles sont tenus par Bruno Poutzoulou, Anna Galiena, Julliette Andrea, George Vogiatzis, Helen Koutoulidou, Athena Pappa, Minas Chatzissavas, Yota Festa, Olia Lazaridou, Renos Mandis, Chrisitna Alexanian, et on remarquera quelques stars invitées comme Periklis Korovesis, Angela Papagiannopoulou, Giorgos Tsitsopoulos, Thanassis Vengos, Antonis Antoniou, Argyris Bakirtzis, Anestis Vlachos, Kostas Flokatoulas, Spyros Kalogyrou, Evangelia Samiotaki.
Lilly’s Story a bénéficié de près de 280.000 euros de soutien du Centre du Cinéma Grec, et aussi des contributions du CNC français et slovène en coproduction avec Canal et l’ERT.
Source : iNFO-GRECE , 03/08/2002 –