La plage de l’épave de Zakynthos et le trafic de cigarettes !

La  plage de l’épave de Zakynthos,  élue régulièrement parmi les plus belles plages de sable au monde, attirant des milliers de touristes par an, cette baie suscite les convoitises. Derrière le paysage de carte postale, il y a une histoire de la contrebande et les pratiques concurrentielles de la mafia gréco-italienne et dernièrement un conflit entre l’Eglise grecque et des acteurs publics et privés.

La plage, en dehors de ses eaux merveilleuses, cache l’ histoire du bateau « Panagiotis » qui se trouve à terre… une longue histoire, au cours de laquelle il a changé de propriétaire et de nom :

  • 1937 – Le navire est construit en Ecosse sous le nom de « Saint Bedan » par Scott & Sons, à Bowling Scotland. Lancé le 14 janvier 1937, propriété de J. & A. Gardner & Co. Ltd., basée à Glasgow, en Écosse. Il était du type bateau à moteur / MV, d’une longueur totale de 48 mètres, d’une largeur de 8 mètres et d’un poids de 450 tonnes.
  • 1964 – Revente du navire aux Grecs M. Gigilini et S. Kakassina à Thessalonique et rebaptisé « Meropi ».
  • 1966 – Revente du navire à N. Kalfas, basé à Thessalonique et rebaptisé « Harris ».
  • 1975 – Revente du navire à P. Lysikatos & Co. basé au Pirée et renommé « Panagiotis ».
  • 1980 – Naufrage le 1er octobre à Zakynthos.

L’ histoire de Panagiotis a tout pour plaire. Contrebande et voyages cachés entre l’Afrique,  le sud de l’Italie et  les îles Ioniennes. Et, comme c’est souvent le cas dans ces «histoires», désaccord sur le partage, prise d’otages avec des armes et «piraterie». Et, enfin, le «nettoyage», avec l’aventure en mer se terminant par un véritable naufrage, qui se dresse désormais sur une plage  ionienne.

A 5h00 le 2 octobre 1980,  l’ inaccessible plage d’Agios Georgios – comme on l’appelait alors – a reçu un visiteur, qui non seulement n’est pas parti, mais son état a changé le nom de la plage en Navagio et a grimpé Zakynthos sur la carte mondiale du tourisme.

« Panagiotis » a démarré du port d’Argostoli, à 9 heures le soir du 12 septembre 1980, pour le Pirée, mais le navire a mis le cap sur Malte. Selon la conclusion de l’enquête, il a reçu environ 2 000 cartons de cigarettes étrangères, une cargaison qu’il livrerait pour le compte de la Camorra aux vedettes rapides au large de Naples en Italie.

Mais le plan a mal tourné quelque part (les truands ont refusé de payer les tarifs convenus à l’armateur) et « Panagiotis » a été contraint d’attendre de nouvelles commandes au large de Zakynthos. Il y avait neuf passagers à bord, dont deux Italiens agissants en tant que représentant de la mafia. Le capitaine et l’équipage ont arrêté les Italiens, les ont enfermées dans une cabine et, après avoir consulté divers médiateurs, ont décidé de vendre les marchandises illégales en leur nom.

Le capitaine a conduit le navire à la baie de « Spyrilis », et ils ont attendu. Cependant, en raison des mauvaises conditions météorologiques, ils se sont échoués dans les bas-fonds de la baie. Ils ont commencé à décharger les cartons de cigarettes sur la petite plage de sable, pour détacher le bateau mais ils n’ont pas pu le faire.  Ils ont décidé d’abandonner le navire et après avoir libéré les deux Italiens, trouvèrent un moyen de rejoindre la ville de Zakynthos.

A  l’aube, les habitants de Volima ont vu les paquets de cigarettes flottantes dans la mer et ont commencé à les ramasser et à les transporter dans leurs villages. Dès que le fait a été appris des autorités, les marins ont été arrêtés et après enquête, les cigarettes ont été retrouvées dans les maisons des villageois et ont été transportées aux douanes de l’île. Un procès s’est ensuivi, dans lequel l’armateur et les pirates ont été condamnés, les cigarettes ont été vendues aux enchères et les Italiens ont été expulsés.

Le navire « Panagiotis » a été pendant des années  le théâtre d’un pillage systématique … Il a été laissé carcasse vide, pour rouiller et pour être dévoré par la salinité de l’eau de mer. Avec le temps, les vagues accumulaient lentement de plus en plus de cailloux, élargissant la plage et coupant le contact du navire avec la mer.

Il y a quelques années, l’épave étant devenue le monument d’attraction, les autorités de l’île ont décidé d’envisager sa préservation en collaboration avec le TEI des îles Ioniennes et le Département du patrimoine culturel. Cependant un des copropriétaires de « Panagiotis » a déposé un recours en justice pour interdire toute intervention sur le navire….Mais les autorités de l’île entament de nouvelles démarches

un conflit entre l’Eglise grecque et des acteurs publics et privés.

En mai 2014, un habitant vend des terrains d’une surface de 14,5 km2 situés au-dessus de la baie pour 9 millions d’euros à une société libanaise nommée Pimana. Très vite, le diocèse de Zante, qui détient de nombreux monastères dans la région, conteste cette transaction et porte l’affaire devant les tribunaux. Après des années de procédures judiciaires, la cour correctionnelle d’Athènes a conclu, à l’été 2020, que les terrains n’appartenaient pas au vendeur. Celui-ci était en possession de titres datant d’avant l’unification de l’île à la Grèce (1864) ne lui conférant que la gestion des lieux.

Dans les faits, d’après l’ordonnance judiciaire, la majorité du site appartient à l’Eglise qui possède sur cet espace les monastères de Saint-George Kremnon et d’Anafonitria depuis le XVe siècle, alors que le reste est la propriété de près de 200 familles d’agriculteurs de Zante et de la municipalité. Le cas est examiné depuis décembre 2020 par un procureur spécialisé en matière de corruption, qui étudie la complicité du garde forestier, du notaire et d’autres acteurs qui ont participé à cette vente.