Communauté grecque des Alpes-Maritimes

Yani Spanos et Juliette Greco : la complainte amoureuse

Juliette Gréco s’est éteinte entourée des siens dans sa maison de Ramatuelle. Symbole de la période existentialiste et de l’effervescence artistique du Saint-Germain-des-Prés d’après-guerre, Juliette Gréco incarnait à la fois une certaine image de la chanson française, exigeante, tout en demeurant populaire dans le sens le plus noble du terme.

Admirable interprète de grands poètes – Mac Orlan, Sartre, Queneau, Brassens, Brel ou Ferré… – qu’elle servait avec ce phrasé si particulier.

La Complainte amoureuse  est le 5e album studio enregistré par Juliette Gréco et sorti en 1969. Il est le fruit d’une collaboration avec Yani Spanos, musicien grec, passionné de poésie française, qui lui a composé une anthologie personnelle.

Le titre général du disque est emprunté à un poème d’Alphonse Allais, l’homme qui mettait en scène de graves messieurs argumentant dans le but d’ôter au caoutchouc ses propriétés élastiques. C’est dire l’humour qui zèbre cet album et encore la tendresse, l’émotion… Et la voix de Juliette Gréco joue sur les notes et les syllabes de tout son “clavier affectif”.

Yani Spanos, (1943-2019), est considéré comme le père de la Nouvelle Vague musicale en Grèce. il commence sa carrière en France comme accompagnateur au piano (avec des grands noms notamment Barbara, Juliette Greco, Serge Gainsbourg et Pia Colombo) puis compose sa musique sur des textes de poètes français comme Charles Cros, Robert Desnos ou Pierre Seghers.

Fils d’un dentiste grec il était destiné par son père à embrasser une formation scientifique. Obtenant une dérogation avant d’effectuer son service armé, il profite de son année sabbatique pour voyager en Europe. Après avoir visité l’Italie, le Royaume-Uni et l’Allemagne, Spanos se trouve à Paris au début des années 1960 où il travaille comme pianiste sur la rive gauche accompagnant les grandes voix de la chanson française. Quelques-uns parmi eux ne manquent pas d’interpréter aussi ses chansons comme par exemple en 1962 Brigitte Bardot qui interprète Sidonie, chanson qu’on écoute dans le drame de Louis Malle, Vie privée.

La liste est très longue des chanteurs français pour lesquels Yannis Spanos (Γιάννης Σπανός) a écrit, vous ne trouverez donc ici que la liste  avec Juliette Greco

  •     Rêveuse et Fragile, poème de Robert Desnos, 1966
  •     Chambre 33, poème de Roger Vitrac, 1966
  •     Et le pays s’endort, paroles de Pierre Louki, 1967
  •     Six soldats, paroles de Pierre Louki, 1968
  •     Frères Jacques, paroles de Pierre Louki, 1968
  •     Album Complainte amoureuse, 1969

« C’est Paris qui m’a choisi et pas le contraire. Les bâtiments, l’atmosphère de la ville, je ne peux pas identifier quoi exactement… Je connaissais le français aussi, mais c’était surtout la musique française –à l’époque à son apogée- qui me charmait. La chanson américaine n’était pas très connue ces années-là. Il n’y avait pas d’autre pays qui pourrait se comparer avec Paris d’Edith Piaf, Jacques Brel (je l’avais vu sur scène et c’était inoubliable), Barbara ainsi que des poètes tels qu’Aragon etc… Et j’ai ressenti toute de suite bien accueilli par ces gens formidables qui m’acceptaient sans me connaître, n’écoutant que la musique que j’avais composée pour leurs poèmes. Ils ne s’intéressaient pas si j’étais connu ou inconnu, si j’étais français ou non. Les Français sont ouverts à tous les talents étrangers. »

     

[Interview de Yannis Spanos, magazine Metronomos #54, Octobre-Decembre 2014. Source]